Jonathan : La piste de Yéshé

Il est des auteurs qui accompagnent nos vies. Il est des séries qui accompagnent nos vies. Et il a Cosey et Jonathan, un artiste et son double de papier. La piste de Yéshé est l’ultime opus de cette merveilleuse saga débutée en 1975. Une sublime fin pour une quête de 46 ans, entre invitation aux voyages, invitations aux rencontres et invitations à la méditation. Prodigieux.

Jonathan : 46 ans d’un chemin somptueux

Après huit ans d’attente, Cosey parachève sa série qui le fit connaître au grand public. C’est qu’entre temps, il avait laissé son imagination vagabonder du côté de Disney et ses deux superbes albums Une mystérieuse mélodie et Le secret de Tante Miranda, dans lesquels Minnie tenait pour la première fois le premier rôle d’histoires fascinantes; mais également l’obtention du Grand prix du Festival d’Angoulême en 2017 qui lui valut une très jolie exposition l’année suivante dans la cité angoumoisine.

Il fallait bien huit années pour faire de cet ultime album de Jonathan, une fin en apothéose, celle que les lecteurs des tout débuts attendaient avec impatience et appréhension. En 46 ans et 17 albums, l’auteur suisse a réussi le tour de force d’emporter avec lui des générations avides de voyages, de découvertes et de quêtes intérieures.

Retour aux sources pour un Jonathan en quête d’une dernière vérité

Pourtant, il n’est pas si loin le temps de la première planche de Jonathan dans le Journal Tintin. Celui, où l’on découvrait avec émerveillement cet homme amnésique qui décidait de revenir sur ses pas en sautant en parachute non loin du Tibet. Celui où l’on suivait ses pérégrinations de Lhassa au Népal, de ses rencontres avec Saïcha, Drolma en passant par Kate ou Atsuko.

Au fil des seize albums, on se rêvait à prendre sa place dans les neiges éternelles de l’Himalaya, sur sa moto ou dans ses pensées tellement profondes empruntes de la sagesse bouddhique. Car Jonathan, c’est avant tout une quête de soi, celle où un auteur humble et introverti nous invite à réfléchir sur nous même à travers l’un des héros les plus passionnants et populaires du 9e art.

Et il y a La piste de Yéshé, celle où Cosey convoque tous les protagonistes ayant croisé un jour la route de Jonathan. Pour offrir à son alter ego une boucle qui débute dans la Vallée de l’Indus…

Une lettre pour se retrouver

Depuis qu’il a reçu une lettre de Drolma, sa fille adoptive, Jonathan ne tient plus en place. La jeune femme lui a donné rendez-vous à Yéshé Gompa, le monastère connu du baroudeur. Il enfourche alors son amie fidèle, la Xing Fù, sa moto jaune ocre pour le Tibet, celui des « libérateurs » chinois qui font régner la terreur sur les populations locales depuis les années 1950 et la fuite du Dalaï Lama.

Dans la lamaserie, Jonathan relis sans cesse la missive, médite, parle longuement avec son ami Chamba, apporte des repas à la Lionne des neiges, regarde les flocons tomber sur les contreforts des montagnes et attend la venue de sa fille…

Le souffle de l’aventure, le souffle des retrouvailles, le souffle de jonathan

Cosey l’avait déjà dit depuis longtemps, il voulait terminer sa série fétiche. Il devait à Jonathan une fin digne de ce héros qui l’avait fait connaître au public, qui lui avait ouvert les portes du 9e art et qui lui avait permis aussi de créer d’autres albums (A la recherche de Peter Pan, Voyage en Italie, Zelie Nord-Sud, Saïgon-Hanoï, Le bouddha d’azur…).

« Je suis un lecteur de BD mais je ne goûte guère les séries qui n’en finissent plus. »

Pour donner une dimension encore plus forte à La piste de Yéshé, le Suisse a décidé de (re)publier en préface le texte originel de « Jonathan, tel que je l’ai connu… » celui là même qui ouvrait la première planche de la série dans le journal Tintin en 1975.

Un alter ego de papier fascinant

Comme il l’explique, le baroudeur est un alter ego de papier, une sorte de double de lui. La moto, les voyages, le Tibet mais aussi ses traits, tout fait penser au père de Drolma.

« Je suis avant tout très heureux, et content d’offrir cette conclusion aux lecteurs. »

Et il a bien raison, tant tous les ingrédients nous ayant bercé pendant ces nombreuses années sont encore intacts dans ce dernier volume.

En plus des retrouvailles, de l’attente, de la méditation, du don de soi, Cosey n’oublie pas de parler de la situation catastrophique des Tibétains mis sous l’éteignoir d’un pouvoir chinois fort. La situation s’est d’ailleurs aggravée depuis son dernier voyage dans le pays du Dalaï Lama. Les répressions sont fortes et la langue tibétaine plus du tout enseignée dans les écoles. Ce peuple se meurt et la communauté internationale ne réagit même plus.

Restent le très beau souvenir de Jonathan et les merveilleuses planches de l’auteur. Jonathan, c’est cela et bien plus encore… Un Jonathan pour l’éternité…

Article posté le dimanche 17 octobre 2021 par Damien Canteau

Jonathan 17 La piste de Yéshé de Cosey (Le Lombard)
  • Jonathan, tome 17 : La piste de Yéshé
  • Auteur : Cosey
  • Editeur : Le Lombard
  • Prix : 12,45 €
  • Parution : 29 octobre 2021
  • ISBN : 9782808203500

Résumé de l’éditeur :C’est une lettre, reçue poste restante à Delhi la veille de son retour en Europe, qui entraîne Jonathan sur la piste de Yéshé. Là, installé dans un monastère perdu au coeur de l’Himalaya, alors que les « libérateurs » venus de Beijing cherchent à anéantir l’identité tibétaine, Jonathan, accompagné du malicieux moine Chamba, retrouve après de longues années celle qui donnera une réponse à ses questions.

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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