Le retour à la terre

Dix ans… Dix ans que c’est long ! Dix années que Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri avaient laissé de côté Le retour à la terre, accaparés par d’autres projets de bande dessinée. On retrouve avec un bonheur non dissimulé Manu Larssinet, Mariette, Capucine, Mme Mortemont ou encore l’ermite. Joyeux et profond !

Une très belle série

En 2002, Manu Larssinet et Mariette, sa campagne, venaient s’installer à Juvisy aux Ravenelles, un coin paumé en pleine cambrousse. Internet défaillant et ennui devenaient le nouvel monde du dessinateur.

Le couple allait alors découvrir tout un univers campagnard, entre déprime et calme, entre nature et vide culturel. En plus de leur chat – le fameux Speed – ils allaient faire la connaissance de voisins pour le moins surprenants : M. Henri, le propriétaire de leur maison, un ermite que consulte fréquemment Manu, M. Loupiot l’épicier, mais surtout Mme Mortemont, une vieille agricultrice bourrue qui deviendra la marraine de leur fille, Capucine. Parce que oui, le couple accueille une fillette qui grandit au fil des six albums.

Bébé, Astérix et Plast

Ravenelles. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes chez les Larssinet. Tout ? Non ! Manu ne se remet toujours pas de la nouvelle annonce de Mariette : elle est enceinte. Pour elle le ventre qui s’arrondit, pour lui le déni de grossesse. Ça le perturbe notre petit dessinateur ! Il ne sait plus où il en est. Surtout que d’habitude, tout tourne autour de sa petite personne.

Pas de chance, s’il termine Plast, une « bande dessinée morbide », Ferri, son comparse est trop accaparé par Astérix dont il est le nouveau scénariste. Il n’a plus le temps pour réfléchir à un autre album de leur série Le retour à la terre. Et ça, ça le mine notre petit dessinateur !

Capucine, smartphone et Nasty Bonzo

Pourtant, Capucine grandit et commence a faire des phrases. Cela devrait l’enchanter Manu. Mais non. Les chats  – de plus en plus nombreux – sont dans les cartons et Mme Mortemont vient d’acquérir un smartphone. Une gros smartphone auquel elle pose des tas de questions. M. Henri s’est cassé le col du fémur et papillonne, M. Loupiot doit se faire opérer de la cataracte et l’ermite est toujours autant énigmatique.

Et au milieu de tout ça, il y a Philippe, l’éditeur du Retour à la terre, qui doit venir à Ravenelles. Il doit proposer à Manu la reprise de Nasty Bonzo en version française. Le Parisien doit alors se préparer pour voyager vers l’inconnu…

Le retour à la terre : bonne nouvelle, ils sont de retour !

Cette surprenante et amusante mise en abîme fait tout le sel de la série de Larcenet et Ferri. Le retour à la terre, parle donc de deux auteurs qui imaginent leur série en même temps qu’ils la créent. Ce décalage est surprenant et très drôle.

La force réside aussi dans la galerie de personnages qui gravite autour de Manu Larssinet : Mariette, Capucine, l’ermite, Loupiot, Henri mais avant tout Mme Mortemont. Leurs relations est singulière, entre peur et amour, entre répulsion et amitié.

On est surtout surpris par les errements du dessinateur. On le voyait dans les tomes précédents, mais là c’est encore plus fort. En pleine déprime face à son nouvelle enfant, il rejette aussi le monde de la bande dessinée. Comme le fait aujourd’hui le talentueux Manu Larcenet.

Parce que oui, Le retour à la terre se pare aussi d’une autodérision salvatrice. C’est parfois cruel, parfois cynique mais toujours bienveillant et drôle.

Une comédie campagnarde intelligente

S’il n’y avait que des vannes ou des private joke, ce serait lassant, Le retour à la terre. Il a bien plus que ça dans cette belle série. Le duo Ferri-Larcenet y parle de nature, de campagne, de petits commerces qui ferment dans ces endroits reculés, de désertification, de mondialisation, de bio et de Zadistes.

Les gags sur demi-planches évoquent aussi le couple, la paternité, la famille, les amis, la vieillesse, les souvenirs, le travail, la création et l’inspiration. Le tout porté par un humour décapant et le très bon dessin de l’auteur du Rapport de Brodeck.

Le retour à la terre 6 : pour une bonne nouvelle, c’est une bonne nouvelle !

Article posté le dimanche 24 mars 2019 par Damien Canteau

Le retour à la terre 6 de Jean-Yves Ferri et Manu Larcenet (Dargaud)
  • Le retour à la terre, tome 6 : Métamorphoses
  • Scénariste : Jean-Yves Ferri
  • Dessinateur : Manu Larcenet
  • Coloriste : Dominique Thomas
  • Editeur : Dargaud
  • Parution : 29 mars 2019
  • Prix : 12€
  • ISBN : 9782205067668

Résumé de l’éditeur : Voilà 10 ans que Manu Larssinet, Mariette et tout le petit monde du Retour à la terre n’avaient pas donné signe de vie… Mariette attend un deuxième enfant. Madame Mortemont a appris à utiliser un Samsong ® et envoie des emojis énigmatiques. Manu, lui, part à la recherche de son père sur Internet et décide d’arrêter la bande dessinée. Quant à Philippe, l’éditeur-adjoint, il se lance dans un voyage téméraire en direction des Ravenelles… Un 6e tome qui réserve bien des surprises !

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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