Pour beaucoup, Noël est synonyme de joie, de cadeaux et de fête. Mais pour Eric Powell, cette période évoque la mort, l’angoisse et les petits contes macabres. Accompagné de Mike Mignola, Becky Cloonan et James Harren, il nous convie à une veillée nocturne qui promet de faire frissonner de peur dans les chaumières.
Petits contes macabres : c’est la magie de Noël.
Alors qu’il neige à lourds flocons en ce réveillon de Noël 1843, trois personnes avancent dans les rues de Londres. Arrivés devant une large porte en bois, ils soulèvent le heurtoir. Un homme bourru et dégarni apparaît dans l’entrebâillement.
« Moi qui pensais que ma chance avait tourné et que j’allais enfin passer le réveillon tout seul cette année. »
Rebecca, Eric, Michael et James passent leur temps à s’échanger des noms d’oiseaux. Et pourtant, ils ont l’air de se connaître depuis la nuit des temps. Et tels les fantômes du temps passé, ils ont pris l’habitude de se retrouver tous les ans, pour un réveillon de Noël bien particulier.
« Allons, assez plaisanté. C’est Noël, bande de rupins. Je veux trembler, racontez-moi une histoire de fantômes. Plus ce sera sanglant et tragique, mieux ce sera. Qui commence ? »
NeverEnding Ghost Story.
Eric Powell s’en explique dans l’éclairante préface, l’idée des Petits contes macabres lui vient du film Ghost Story, Le Fantôme de Milburn en français. Dans cette œuvre de John Irvin, quatre gentlemen, appartenant au cercle littéraire du Club de la Chaudrée passent leurs soirées au coin du feu, à se raconter des histoires de fantômes. Ce film est porté par un casting de légendes (Fred Astaire, Douglas Fairbanks Jr.). Pourtant, on le classe volontiers dans la catégorie de ce que Powell appelle lui-même par euphémisme « les plaisirs coupables ». Ainsi, d’aucuns préféreront se référer au roman de Peter Straub dont il est issu. D’ailleurs, en fin connaisseur de la littérature anglaise, l’auteur de Hillbilly a immédiatement amélioré le concept en y associant l’ambiance de A Christmas Carol de Charles Dickens. Et Petits contes macabres était né. Lors d’une veillée de Noël, quatre vieux amis allaient se retrouver pour se raconter des récits de fantômes à la mode victorienne.
Et lorsqu’on s’appelle Eric Powell, les amis en question ne sont rien moins que Becky Cloonan, James Harren et Mike Mignola.
Petits contes macabres : un casting de légendes.
Quatre artistes, quatre histoires. Toutes inscrites dans la tradition des nouvelles fantastiques, elles s’inspirent des maîtres du genre que sont Edgar Poe et Maupassant. Ainsi, on observe la mise en place d’une ambiance oppressante qui suggère le pire sans jamais monter l’horreur. Libre alors au lecteur de s’impliquer en imaginant ce qu’il pourrait advenir. Et le résultat est très réussi. D’ailleurs, Becky Cloonan a obtenu l’Eisner Award de la meilleure histoire courte pour sa nouvelle Le Kelpie.
Mike Mignola, quant à lui, innove et imagine une histoire empreinte de l’imaginaire de Lewis Carroll mais en ajoutant sa touche personnelle. Son récit volontaire abscons nous offre le plaisir de retrouver le maître aux dessins.
Ses trois compères s’en donnent eux aussi à cœur joie. Et ils montrent toute l’étendue de leur talent dans des styles différents, mais parfaitement cohérents compte tenu de l’exercice proposé.
Il y aurait donc là de quoi satisfaire un grand nombre de lecteurs. Et pourtant, ce n’est pas tout.
Petits meurtres entre amis
En effet, non content de mettre ses amis à contribution, l’auteur d’Ed Gein les représente avec humour dans l’ouverture et les intermèdes de ces petits contes macabres. Ainsi, on découvre un James Harren délicieusement hautain,
une Rebecca Cloonan folle à lier,
un Michael Mignola oscillant entre sénilité et délire
et enfin un Eric Powell en maître de maison particulièrement détestable.
L’effet produit fonctionne à merveille. Mais surtout, il introduit immédiatement une dose d’humour qui contrebalance à la perfection le caractère macabre du volume.
Des histoires à ne plus dormir du tout pour une veillée de Noël… Quoi de plus logique à y bien réfléchir ? Portés par quatre artistes d’exception, ces Petits Contes Macabres sont une belle réussite, douce-amère, comme un bonbon au cœur fondant à l’arsenic.
- Petits Contes Macabres
- Scénaristes : Eric Powell, Mike Mignola, Becky Cloonan
- Dessinateur : Eric Powell, Mike Mignola, Becky Cloonan, James Harren
- Coloriste : Dave Stewart
- Traductrice : Lucille Calame
- Editeur : Delcourt
- Prix : 15,50 €
- Parution : 20 novembre 2024
- ISBN : 9782413085560
Résumé de l’éditeur : PETITS CONTES MACABRES est un projet initié par Eric ED GEIN et THE GOON POWELL qui adore les histoires qui font peur et que l’on se raconte au coin du feu lorsqu’il gèle à pierre fendre dehors… Il a invité trois compagnons de jeu – et pas n’importe lesquels ! – à le rejoindre afin de réaliser un livre de petits contes horrifiques baignant dans une atmosphère victorienne qui les met en scène.
À propos de l'auteur de cet article
Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
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