On a tous nos petits secrets. Mais on n’a pas tous la puissance du plus grand Super-héros de la Terre. Dans The Mighty, Peter J. Tomasi, Keith Champagne, Peter Snejbjerg et Chris Samnee explorent la face cachée d’Alpha One.
The Mighty : l’Alpha et l’Oméga.
En 1952, la course à l’armement battait son plein. Et le 16 décembre, en réalisant l’essai de la plus grosse bombe jamais créée par l’homme, l’Amérique était persuadée d’avoir marqué un grand coup. Ce fut effectivement le cas, mais pas de la manière prévue. En effet, la vue d’un gigantesque champignon atomique surplombant l’atoll d’Eniwetok marqua les esprits du monde entier. Mais la découverte de l’arme ultime n’eut lieu que 6 heures plus tard, lorsqu’on sortit de l’eau un matelot malencontreusement passé par-dessus bord dans la nuit. Contre toutes attentes, le jeune homme avait survécu.
« C’est un gars de chez nous ! »
Et même, les heures passées dans l’eau irradiée l’avaient modifié à jamais. Alpha One venait d’ouvrir ses yeux sur le monde.
« Cher amis, oubliez vos comic books. Nous avons un Super-héros, en chair et en os, et c’est un gars de chez nous ! »
L’Amérique possédait son surhomme et cerise sur le gâteau : il n’y en avait qu’un seul sur Terre.
Qui aurait eu l’idée de remettre en cause cette belle fable ? Personne. En tous cas, pas Gabriel Cole, « l’orphelin de l’Amérique ». Lui qui devait la vie à Alpha One. Lui qui s’apprêtait à devenir son bras droit en prenant la tête de la section Oméga.
Le mythe du surhomme.
Peter J. Tomasi (Robin, fils de Batman) et Keith Champagne ne s’en cachent pas, The Mighty explore un des sujets préférés des comics : le mythe du surhomme. Le fait est que dès les premières pages, les allusions à Superman se multiplient. Qu’ils fassent référence aux comics ou aux films, on repère avec plaisir les clins d’œil aux histoires qui ont bercé notre enfance. Soulignons au passage que ce plongeon empreint de nostalgique est grandement facilité par le style graphique adopté. En effet, Peter Snejbjerg et ensuite Chris Samnee (Fire Power) reproduisent avec efficacité l’esthétique des années 60-70. À ce titre, il convient de saluer que ce dernier, qui reprend les crayons pour les deux derniers tiers de la série ne cherche pas à imposer son style pourtant si identifiable. Il reprend avec brio la patte graphique de son prédécesseur pour entretenir une cohérence de la première à la dernière page. Quoi qu’il en soit, qu’on ne s’y trompe pas, Alpha One a beau ressembler à un Superman des années 70, il n’est pas un énième avatar de l’Homme d’acier.
The Mighty tort : le polar super-héroïque.
En effet, après quelques chapitres introductifs, on voit apparaître des détails qui nous mettent la puce à l’oreille. Et sans savoir réellement à quelles fins, on commence à se dire que les malicieux scénaristes ne nous ont pas tout dit. Ainsi, petit à petit l’œuvre prend des airs de polar où on scrute le moindre indice. Et attentif à tout ce que font et disent les protagonistes, on se prend réellement au jeu en élaborant des hypothèses ou en pariant sur telle ou telle issue. Soulignons à ce titre la présence à la colorisation de Dave Johnson, le dessinateur de Superman – Red Son… L’histoire de The Mighty est bien entendu très différente. Mais à l’image de la légendaire uchronie scénarisée par Marc Millar (King of Spies), elle explore le potentiel du mythe du surhomme, cet omnipotent défenseur de l’humanité qui pourrait, s’il le souhaitait détruire l’espèce humaine en un claquement de doigts.
Avec The Mighty, Peter J. Tomasi, Keith Champagne, Peter Snejbjerg, Chris Samnee et Dave Johnson nous proposent une œuvre remarquable. Élaborée comme un polar, elle développe une réflexion de qualité sur le mythe du surhomme.
- The Mighty
- Scénariste : Peter J. Tomasi, Keith Champagne
- Dessinateurs : Peter Snejbjerg, Chris Samnee
- Coloristes : John Kalisz
- Traducteur : Mathieu Auverdin
- Editeur : Urban comics
- Collection : Urban Indies
- Prix : 30 €
- Sortie : 16 février 2024
- Pagination : 336 pages
- ISBN: 9791026829447
Résumé de l’éditeur : Alpha One est le seul super-héros du monde. Une lourde tâche lui incombe donc, celle d’incarner l’espoir de toute l’humanité. Cette douce utopie ne semble cependant pas convaincre tout le monde et les citoyens commencent à se poser des questions sur les origines de cet étrange surhomme. Ce dernier est lui aussi en proie à une crise existentielle qui le pousse à s’interroger sur le rôle et les responsabilités d’un héros. Peut-il réellement, à lui seul, offrir à l’humanité la sécurité et le soutien dont elle a besoin ?
À propos de l'auteur de cet article
Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
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