The Scumbag

Quand un biker analphabète et junkie reçoit une dose d’un sérum et devient un surhomme, cela donne The Scumbag, un comics décalé signé Rick Remender et Lewis Larosa aux éditions Urban Comics. Complètement déjanté !

Un drôle de pedigree

« Condamné 7 fois pour possession et distribution de narcotiques, vols dans de nombreux organismes de charité, distribution d’insuline contrefaite, masturbation en public, organisation de combats de boxe clandestins entre SDF, transmission volontaire de l’hépatite, productions de 3 différents films pornographiques gériatriques…. », tel se présente le pedigree, fort peu reluisant, vous en conviendrez, d’Ernie Ray Clementine, alias the Scumbag, sac à merde en anglais.

Ernie, un loser même pas magnifique, ou tout du moins pas encore à l’ouverture du tome 1 de cette nouvelle série éponyme, The Scumbag, signée de Rick Remender au scénario (Tokyo Ghost) et Lewis Larosa pour le dessin (Savage). Mais Ernie parviendra sans doute à gagner votre empathie, voir votre sympathie au fil du récit, et ce malgré les très lourds handicaps, sociaux et comportementaux, qu’il affiche.

The Scumbag : un homme seul…

Ernie Ray Clementine, la quarantaine passée, arbore un look de biker hippie dans toute sa splendeur. Bottes de cuir de soldat sudiste, jean crade dont on ne préfère pas connaître l’origine des taches, veste en jean sans manches élimée et recouverte de patchs de ses groupes de musique favoris. Bandana tête de mort rivé sur le crâne, cheveux longs et gras, cela va sans dire, et pour parfaire la panoplie une superbe moustache gauloise, dont le modèle est de toute évidence Lemmy le bassiste du groupe Motörhead, dont Ernie est fan, comme d’à peu près toute la scène hard rock d’une époque révolue.

Côté relation, le motard est convaincu d’être le meilleur pote de Spannish Larry, son dealer, mais ce dernier comme tous les clients du Simon’s bar – le rade qui lui sert de QG – tous conchient ce crétin d’Ernie. Et on les comprend vu l’ bonhomme. Donc Ernie n’a pas d’amis mais lui seul l’ignore.

The Scumbag devient un surhomme

Notre héros du jour, alors qu’il touchait vraiment le fond, défoncé, et croyant se faire un shoot d’héroïne, va s’injecter par erreur une substance qu’il n’avait encore jamais testée.

Et pour cause, cette dernière n’est pas en circulation sur le marché, pas même dans les bas-fonds de New York où est campé ce récit.

A peine absorbé Ernie va basculer dans une autre vie. Il commence par avoir ce qu’il croit être une puissante hallucination, qui prend la forme d’une femme fantomatique au contours bleutés, habillée en commandante militaire, et qui apparait pour lui expliquer qu’il vient de s’injecter la Formula Maxima, une arme biologique qui lui confère des super-pouvoirs. Elle ajoute que de ce fait, il va être au cœur d’une lutte militaro-politique sans merci, entre d’une part une organisation terroriste ultranationaliste qui veut conquérir le monde, et d’autre part une agence gouvernementale et secrète qui elle a pour mission de préserver la démocratie.

Deux organisations aux trousses du Scumbag

Nous avons donc d’un côté Scorpionus (US), la secte nazie et son gourou Prosoma. De l’autre, l’autorité centrale dirigée par Mother Earth, la commandante spectrale qui pour l’heure n’est toujours qu’une giga hallucination pour Ernie, qui lui entrave que dalle à son charabia.

Quoiqu’il en soit Mother Earth lui explique qu’il y a une urgence à gérer car Scorpionus s’apprête à faire péter une bombe qui pourrait coûter la vie à des millions de New-yorkais, et que lui seul, Ernie Ray Clementine, avec ses tout nouveaux super-pouvoirs, peut empêcher ce désastre.

Ernie, le sauveur de la terre ?

L’ineffable Ernie, tout défoncé qu’il est, ne perd pas le nord, et commence par négocier sa collaboration sans même savoir ce qu’il devra faire, comment il devra s’y prendre, et sans non plus avoir eu le moindre aperçu de ses prétendus super-pouvoirs.

Alors pour Ernie ce sera 2000 $ en cash, un concert privé de Judas Priest au Simon’s bar, une mallette à la Hunter S. Thompson bourrée de drogue, une Trans Am de 1978 volante, une poupée gonflable qui parle, une piaule d’hôtel avec une caisse de bibines dans le frigo, et des nunchakus dynamites.

Mother Earth acquiesce à toutes ses requêtes, bien consciente qu’avec Ernie, on tient là le pire sauveur du monde libre qui soit. Mais pas le choix : la formula maxima coule dans ses veines, c’est lui qui a le pouvoir, il va donc falloir faire avec le bonhomme.

DEs Super-pouvoirs pour une noble cause

Sister Mary, une ninja sexy, agent secret au service de l’Autorité Centrale, aura la lourde charge de cornaquer Ernie, de le chaperonner devrait-on plutôt dire vu la puérilité de l’individu. Elle aura entre autre la tâche ingrate et presque impossible de stimuler l’esprit demeuré d’Ernie dans les moments les plus critiques, pour qu’en jaillisse des nobles motivations car, et c’est là toute l’espièglerie de l’intrigue qui fait de ce récit une comédie badass déjantée, car les super-pouvoirs dont a hérité Ernie par erreur, ne s’activent que si il cherche à les utiliser pour une noble cause.

Et ce n’est vraiment pas gagné lorsqu’on a affaire à un monstre d’égoïsme, un puits d’avidité, un Mozart de la débauche, un génie de la pensée sexiste, l’alpha et l’omega de la goujaterie, le parangon de la vulgarité, et qui de surcroit a un poil dans la main plus dru et plus long que la queue de Godzilla.

The Scumbag : un pion sur l’échiquier

Mais qu’est-ce qui est jugé « noble » ? La noblesse d’une pensée, d’une action, est une notion toute subjective qui transitant dans le cerveau « pois chiche » d’Ernie, va provoquer des contre-performances spectaculaires au grand désarroi des dirigeants de l’Autorité Centrale, son nouvel employeur. Ernie Ray Clémentine, très vite rebaptisé agent Scumbag par Sister Mary, est un collègue tout autant indésirable, qu’indispensable pour contrecarrer les plans machiavélique de ScorpionUs.

Cependant, tout crétin qu’il est, Ernie va finir par chopper le boulard lorsqu’il commencera à piger qu’il est un pion essentiel dans cet affrontement souterrain entre les deux organisations. Il réalisera aussi que tout n’est pas aussi noir ou blanc que l’on voudrait lui faire croire.

The Scumbag va se découvrir un libre arbitre et surtout la force de l’exprimer :

« Tel que je le vois, le monde entier a pété un câble parce que tout le monde à un balai dans le cul et imagine que tout ce qui est différent est mal. Toutes ces conneries extrémistes… La politique, c’est le poison qu’on utilise pour justifier notre désir reptilien de faire la guerre. A cause de tarés comme vous, tout le monde est tellement à cran que ça pète dans tous les coins. Vous puez tous du cul. Tout ce que je veux, c’est apprendre au monde à se détendre putain. Vivre librement, éviter les responsabilités, et ne pas se laisser emmerder. Vous me voyez comme un dégénéré, mais je suis un foutu héros ! Un enfoiré de la vraie liberté ! …. »

The Scumbag, l’anti-héros qu’on aime détester

Ernie Ray Clémentine, l’anti-héros que l’on adore détester, qui n’a aucune bonté d’âme, mais dernière le vernis de l’infamie qui le recouvre, on devine une petite lueur d’humanité, qui pourrait bien malgré lui, finir par le métamorphoser en Robin des bois des temps modernes, version Sex, drogue et rock’n’roll.

The Scumbag, une série qui démarre en trombe, avec un dessin dynamique sans fausses notes de Lewis Larosa, superbement colorisé par Morino Dinisio. Des dialogues incisifs truffés de punchlines qui font mouche, des personnages pittoresques et loufoques, le tout pour servir une intrigue somme toute assez simple, mais qui permet justement de mettre en scène de manière hautement divertissante tous les ingrédients susnommés. On a hâte de découvrir la suite pour suivre la trajectoire délirante de ce truculent Scumbag.

Article posté le mardi 31 mai 2022 par David Lemoine

The Scumbag 1 de Rick Remender et Lewis Larosa (Urban Comics)
  • The Scumbag, volume 1
  • Scénariste : Rick Remender
  • Dessinateur : Lewis Larosa
  • Éditeur : Urban Comics, collection Urban Indies
  • Prix : 10 €
  • Parution : 13 mai 2022
  • ISBN : 9791026828501

Résumé de l’éditeur : Être un motard analphabète, toxicomane, et possédant un QI équivalent à celui d’un enfant de primaire ne semble pas être les prérequis attendus pour sauver le monde. Et pourtant, malgré un CV peu reluisant, Ernie Ray Clementine est la seule chose qui nous sépare de l’Apocalypse. En ayant reçu accidentellement un sérum de surhomme, il est devenu l’espion le plus puissant du monde, et il semble impossible de s’en sortir sans son aide… Contenu vo : The scumbag #1-5.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

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