Wombs

Des années après la colonisation de la planète Jasperia, les premiers arrivés mènent une guerre acharnée contre les seconds. Mana Olga est engagée dans une section particulière de l’armée, uniquement composée de femme. Son arme principale ? Son utérus.

Organe militaire

C’est une étrange idée qu’a eu Yumiko Shirai. Claquante et originale.

Sur une planète en guerre depuis de longues années, une faction s’est appropriée une curiosité locale. Un organe de transfert. Cette chose – ni vraiment une créature, ni vraiment un objet – permet aux porteuses de se téléporter. Seules les femmes peuvent le porter. Pour la simple raison que seules les femmes possèdent l’organe nécessaire à son développement : un utérus.

Mana Olga est donc appelée pour son service militaire. Elle rejoint les « Forces Spéciales de Transfert » et se voit infliger un entraînement à la dure. Car désormais, elle devra avoir le corps d’une soldate – ferme, rapide et efficace – tout en ayant le ventre d’une femme enceinte.

Drôle de vision que sont ces guerrières au ventre rond.

Cadavre Exquis

Avec ce concept, Yumiko Shirai met les pieds dans le plat. L’autrice élabore un univers complexe. La guerre est profondément ancrée dans la société des Firsts, les premiers arrivés. Elle entraîne avec elle le patriotisme, la propagande, la méfiance, le totalitarisme, le doute, la violence, la persévérance. Yumiko Shirai traverse tout cela et nous dessine une histoire riche, chargée de surprise.

L’idée de femme enceinte soldate mobilise des concepts à débat : le sexisme, la femme-outil, les préjugés, la définition de la force. J’en passe. Wombs propose quelque chose d’originale sur fond de Science-Fiction ordinaire.

Cette Science-Fiction qui dérange

A bien des égards – et malgré que le manga aborde des thématiques relativement modernes – Wombs me rappelle la Science-Fiction des années 1960. Spécifiquement celle de Philip K.Dick. Tout comme Ubik ou les chaînes de l’avenir, Wombs s’inscrit dans un monde futuriste ou alternatif, pas si éloigné du nôtre, touché par des détails qui dérangent.

On sort de Wombs – pour ce qui est du tome 1 en tout cas – avec un air pensif, un sentiment de gêne qui incite à la réflexion.

Casting béton

Principalement composé de femme, le casting de Wombs est costaux. Bien que jeune, Mana Olga évolue dans l’univers de l’armée et ça ne rigole pas. Les hommes travaillent plutôt le jour, les femmes des « Forces Spéciales de Transferts » plutôt la nuit, sous la lumière de la Lune. La route est longue avant de pouvoir porter un organe de transfert, et chaque pas que les jeunes soldates font dans cette direction est un véritable challenge.

Ni Olga, ni ses camarades ne connaissent réellement les enjeux de la guerre. Non plus la réalité du terrain. D’autant que leur terrain à elles, se situe quelque part entre le monde physique et autre chose, dont elles ignorent tout.

D’après la sulfureuse Sergente Almare, Mana Olga n’a pas encore dévoilé tout son potentiel. Elle part de loin, comme le lecteur, et avance pas à pas. Poussée, encouragée, malmenée par des personnages revêches, elle fait de son mieux dans son rôle de soldate.

Mana est à notre échelle de lecteur. Yumiko Shirai nous entraîne ainsi derrière son héroïne avec simplicité, la confrontant à une collection de personnages solides.

Fluidité dans le décors

Le style de Yumiko Shirai est doux. L’usage de dégradé de gris rend son dessin un peu flottant. Presque vaporeux comme un voile. C’est fluide et donne une certaine profondeur. Mais rend également la lecture difficile par moment. Des atouts et défauts assez similaires à ceux du « Siège des Exilées » d’Akane Torikai.

C’est tout de même un style agréable qui fait de ce manga un bel objet.

Aux premières lueurs de la Lune

La série s’inscrit dans la Collection Large des éditions Akata. Une collection qui, globalement, chamboule les idées préconçues. « A destination des lecteurs capables de prendre du recul ». Wombs est une œuvre parfaite dans cette catégorie.

Wombs est une série en 5 tomes, décorée du Grand Prix Japonais de la Science-Fiction. Yumiko Shirai soulève des questions terriblement d’actualité dans un paysage de Science-Fiction poussé. Son premier tome implante un décors riche dont il reste encore beaucoup à découvrir. C’est une belle lecture, intéressante et originale.

Article posté le samedi 29 mai 2021 par Marie Lonni

Wombs - Yumiko Shirai - Akata
  • Wombs
  • Autrice : Yumiko Shirai
  • Editeur : Akata – Collection Large
  • Prix : 8,50 €
  • Parution : 11 mars 2021
  • ISBN : 9782369747826

Résumé de l’éditeur : Quelque part, dans l’univers… Les first se sont installés sur la planète Jasperia et l’ont terraformée. Ils ont cru pouvoir y vivre en paix. Mais à l’arrivée des second, une terrible guerre est enclenchée.

Vingt ans plus tard, et tandis que le conflit n’a pas faibli, Mana Oga est choisie pour intégrer une section spéciale de l’armée : « les Forces spéciales de transfert ». Cette unité d’élite est composée exclusivement de femmes, dont les utérus servent d’incubateurs à des fœtus parasites. Ces dernières développent alors une capacité unique, la téléportation, conférant à leur armée un avantage stratégique notable. Arrachée à son quotidien, Oga va devoir s’entraîner, se former puis prendre part à une guerre dont elle ignore les véritables enjeux et implications…

Auréolée de nombreux prix au Japon, la série Wombs s’impose comme l’une des nouvelles références de la science-fiction. Avec son style graphique hybride et son histoire ambitieuse, Yumiko Shirai livre une œuvre comme il y en a peu.

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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