En des temps immémoriaux, les déesses olympiennes, lasses d’être humiliées par leurs homologues masculins, créèrent les Amazones, un peuple de guerrières, championnes des opprimées. Dans Wonder Woman Historia, Kelly Sue DeConnick, Phil Jimenez, Gene Ha et Nicola Scott nous content leur légende.
Wonder Woman – Historia : oubliez ce que vous pensiez savoir.
« Une nature agressive est fort utile à l’homme. Parfois, elle le pousse à dépasser les bornes. Et quand cela arrive, il y a un châtiment. Car je suis Zeus, dieu du Ciel, des Tempêtes, de l’Ordre et de la JUSTICE ! »
Ce n’était certes pas la première fois que la terrible voix de Zeus faisait trembler le mont Olympe. À de nombreuses reprises déjà, il avait usé de sa toute-puissance pour brimer les grandes déesses, pour rudoyer sa femme, ses sœurs et ses filles.
Mais cette fois, l’humiliation fut telle qu’Héra ne jugea pas son époux digne de son courroux. Et chose incroyable, elle se retira dans ses appartements, puis se mura dans le silence.
La révolte des opprimées.
Mais ce ne fut pas le cas de six des plus grandes déesses.
En effet, Hestia, Artémis, Déméter, Hécate, Aphrodite et Athéna se réunirent en secret. Et chacune, faisant don de ce qu’elle avait de plus cher, créa une championne, elle-même à la tête de cinq guerrières. En tout, elles donnèrent vie à trente héroïnes pour qu’ aucun homme n’humilie plus jamais aucune femme.
Et c’est ainsi que naquirent les Amazones, destinées à défendre les opprimées face à un monde androcrate.
Wonder Woman – Historia : la légende de la septième.
D’aucuns racontent que cet acte fondateur se fit malheureusement en l’absence d’Héra. Mais ce qu’ils ignorent, c’est que la déesse aux grands yeux avait en son cœur un dessein bien plus grand. Car s’il est vrai que depuis l’antiquité, les mathématiciens qualifient le nombre de trente de primordial, ils admettent aussi qu’il n’est que semi-parfait. Aussi, la grande Héra savait-elle bien que pour accéder à la perfection, il en manquait une. Et c’est elle qui deviendrait la reine des Amazones et qui les conduirait à la victoire finale.
Le temps de la maturation.
Wonder Woman est un personnage extrêmement connu dans l’univers du comic book (Terre Un, Mensonges) et du cinéma. Et pour mener à bien un projet de l’ampleur de Wonder Woman – Historia, il fallait une scénariste ayant les reins solides. En effet, lorsqu’en 2018 est lancé le désormais célèbre Black Label (Harleen, Wonder Woman – Dead Earth), Historia devait en être la figure de proue. Mais le monde de l’édition ayant des raisons que la raison ignore, il faudra attendre quatre ans pour découvrir les premières planches. Et pourtant, Kelly Sue DeConnick n’a jamais baissé les bras.
Un combat de chaque instant.
Il faut dire que la jeune femme n’en était pas son coup d’essai. En 2015, elle avait déjà révolutionné le personnage de Miss Marvel en osant une approche féministe. Et bon nombre de lecteurs rétrogrades s’en étaient émus. Mais surtout, en 2017, elle avait lancé le hashtag #VisibleWomen pour inciter les femmes à publier leurs œuvres d’art. Avouons-le, le personnage de Wonder Woman ne pouvait pas se retrouver entre de meilleures mains. Mais ne nous y trompons pas : Historia véhicule manifestement et ostensiblement un message féministe. Mais réduire cette magnifique œuvre à ce seul critère serait une réelle erreur. Et s’il est indéniable que les figures masculines sont minoritaires et n’ont pas le bon rôle dans cet opus, ce n’est absolument pas le premier élément qui apparaît à la lecture.
Une épopée moderne.
Ainsi, Kelly Sue DeConnick a avant tout cherché à insuffler une âme épique à son travail. Et pour ce faire, l’inspiration antique ne pouvait que s’imposer. Dès les premières planches en effet, on est subjugué par les références à la culture grecque antique. Ainsi, Hérodote et Thucydide sont évoqués et même cités avec justesse. De la même manière, on relève l’emploi très judicieux du grec ancien. Même si avouons-le, la version française, très approximative sur ce point, ne lui rend pas hommage. Mais peu importe, car c’est surtout par sa narration que Kelly Sue DeConnick nous emporte. Elle est parfaitement à l’aise dans la variation de rythme. Ainsi, elle maintient le lecteur en haleine de la première à la dernière page. Et il faut dire que la partie graphique de l’œuvre y contribue beaucoup.
La perfection n’est plus un mythe.
Parfois, on est satisfait quand on lit une œuvre dessinée par un artiste d’exception. Et c’est le cas avec Phil Jimenez, Gene Ha (Top 10) et Nicola Scott. Mais quand on découvre une œuvre qui regroupe le travail de ces trois génies, on ne sait plus si on tient entre les mains une bande dessinée ou une œuvre d’art. En effet, rarement on a pu observer un trait aussi maîtrisé, des détails et des décors aussi travaillés. La moindre planche, la moindre case donne le vertige tant elle confine à la perfection. Et d’ailleurs, l’usage de la spirale de Fibonacci pour composer certaines pages du deuxième chapitre en est une démonstration exceptionnelle. Soulignons enfin que ce merveilleux travail est formidablement mis en valeur par la colorisation d’Alex Sinclair, Hi-Fi, Arif Prianto, Romulo Fajardo Jr, Wesley Wong et Annette Kwok. Le fait est qu’il ne fallait pas moins de six coloristes de grand talent pour réaliser une tâche qu’Hercule lui-même aurait eu du mal à accomplir.
Avec Wonder Woman Historia, Kelly Sue DeConnick, Phil Jimenez, Gene Ha et Nicola Scott nous livrent un chef d’œuvre et entrent indéniablement dans le panthéon du comic book.
- Wonder Woman – Historia, The Amazons
- Scénariste : Kelly Sue DeConnick
- Dessinateurs : Phil Jimenez, Gene Ha, Nicola Scott
- Coloristes : Alex Sinclair, Hi-Fi, Arif Prianto, Romulo Fajardo Jr, Wesley Wong, Annette Kwok
- Traducteur : Thomas Davier
- Editeur : Urban comics
- Collection : Black Label
- Prix : 24 €
- Sortie : 18 août 2023
- ISBN: 9791026824695
Résumé de l’éditeur : Il y a des millénaires, la reine Héra et les déesses du panthéon olympien se sont montrées très insatisfaites de leurs homologues masculins. Loin de leur regard, elles mirent un plan à exécution : une nouvelle société était, une société jamais vue sur Terre, capable de choses merveilleuses et terribles : les Amazones. Mais leur existence ne pouvait rester secrète éternellement, si bien que lorsqu’une femme désespérée du nom d’Hippolyte croisa leur chemin, une guerre totale entre le ciel et la Terre débuta, et sans que personne ne puisse l’imaginer, allait mener à la naissance de la plus grande gardienne de la Terre !
À propos de l'auteur de cet article
Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
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