Interview de Nicoby et Antoane, directeurs artistiques de Quai des Bulles

Interview de Nicoby et Antoane. Pour découvrir le festival Quai des bulles, nous avons posé des questions à deux directeurs artistiques de l’événement : Nicoby et Antoane. Ils ont pris le temps de nous expliquer leurs rôles dans l’association, lors du festival et leurs temps forts à découvrir pendant cette 43e édition du deuxième festival BD français. Et c’est le week-end prochain, du 25 au 27 octobre !

« Le festival est un beau jouet ! »

Nicoby, quand êtes-vous arrivés dans l’association qui gère le festival Quai des bulles ?

Nicoby : Ça fait 21 ans exactement que je suis dans l’association. Je suis entré dans cette aventure par l’intermédiaire de Joub, auteur de Max & Zoé.

La particularité de Quai des bulles encore aujourd’hui, c’est d’avoir des auteurs dans son organisation. Quand je suis arrivé, il y avait encore un peu Jean-Claude Fournier. Il y avait aussi Alain Goutal et Lucien Rollin.

Je m’y suis tout de suite senti très bien. Ma présence s’est épaissie au fil des années. C’est une association assez saine de ce point de vue-là. On a le temps de prendre ses marques.

Lorsque je suis arrivé, je me suis rapidement investi dans une exposition consacrée à Yvan Delporte, scénariste et ancien rédacteur en chef du journal Spirou. C’était vraiment super chouette pour une première. Puis, je me suis investi dans la vie de l’association, notamment la programmation du Bistro. C’est super enrichissant et ça permet de fédérer un groupe.

Petit à petit, j’ai consacré mon temps à monter des expositions ou des animations. Je dis toujours que “le festival est un beau jouet !”. Il y a un peu de moyens pour mettre en place des choses. Si on a des envies, c’est un bel écrin pour les mener à terme.

Portrait de Nicoby - © Lannes/Gildas Le Roc’h

Portrait de Nicoby – © Lannes/Gildas Le Roc’h

Quai des bulles a de nombreux auteurs de bande dessinée dans sa structure, en quoi est-ce important ?

Nicoby : C’est important parce que l’on est auteur. Ce qui est certain, c’est que ça a des conséquences sur la bonne marche du festival. On est très attentif à la manière dont vont être accueillis les auteurs. On a une vraie volonté de satisfaire les attentes des auteurs.

Nous avons été très vite sensibilisés à bien rémunérer les auteurs que l’on faisait travailler. Et ce bien avant la mise en place de l’accord du ministère de la culture avec le Centre national du livre et la Sofia. On a aussi été à la pointe dans le domaine de la rémunération des dédicaces. On n’a pas la volonté d’être les meilleurs mais dire que l’on veut porter cette parole.

« Il y a une volonté de ne pas avoir de chef mais de prendre les décisions en commun. »

Portrait de Régis Thomas - © Lannes/Gildas Le Roc’h

Portrait de Régis Thomas – © Lannes/Gildas Le Roc’h

Quels sont les rôles des directeurs artistiques de Quai des Bulles ?

Nicoby : Pour comprendre, il faut resituer le fonctionnement du festival. Il est régi par une association de type loi de 1901.

Il y a un conseil d’administration, qui gère le volet administratif et financier. Cette entité est composée d’une dizaine de personnes.

Il y a aussi un comité d’organisation à qui est confié de faire le festival. Il est composé d’une trentaine de personnes, qui sont adhérentes à l’association. Pour aider ce comité, il y a cinq salariés.

Il y a une volonté de ne pas avoir de chef mais de prendre les décisions en commun. Avec l’expansion du festival, nous avons aussi mis en place des référents, mais toujours dans le souci de rester collectif.

Nous avons défini également une direction artistique représentée par trois personnes. Actuellement, c’est Régis Thomas, Antoane et moi. Chaque année, on renouvelle un tiers de ce trio. Ce sont donc des mandats de trois ans pour être l’organe décisionnaire de la programmation artistique.

Bien évidemment que nous mettons en place tout cela à partir des idées du comité d’organisation. On prend le temps de voir si ces demandes sont possibles. Notre rôle est d’équilibrer ces propositions. Comme ce sont des envies des uns des autres, cela reste quelque chose de très collectif.

Nicoby, est-ce que vous vous occupez plus des expositions ?

Nicoby : Oui principalement. Je vais aussi rencontrer les uns et les autres sur différents festivals. C’est là que peuvent se nouer des coproductions.

J’ai aussi un rôle dans les Prix. C’est-à-dire de définir les présélections d’albums dans les différents prix.

On essaie d’être complémentaires dans nos actions. Je connais bien la bande dessinée mais moins Saint-Malo comme Régis Thomas qui est sur place à l’année.

Affiche Quai des Bulles 2024 - Lisa Mandel

Ces interventions sont essentiellement collectives ?

Nicoby : Oui, dans tous les domaines. Dans le comité d’organisation et dans la direction artistique, tout est fait ensemble. On se concerte tout le temps pour prendre les décisions.

« Notre travail, c’est aussi de vérifier que tout cela soit équilibré. »

Pouvez-vous nous expliquer le processus qui consiste à monter une exposition à Quai des Bulles ? Comment procédez-vous ?

Nicoby : Il y a plusieurs manières de faire mais il y a un impondérable : qu’il y ait un porteur au sein de l’association. Cette personne expose son idée aux membres du comité d’organisation qu’elle doit convaincre d’accepter. On estime alors le budget nécessaire pour créer l’exposition. On voit aussi s’il est possible de monter un partenariat avec un éditeur pour ce projet.

Sinon, des éditeurs peuvent nous solliciter pour un projet d’exposition autour d’un album ou d’une série de leur catalogue. Cette fois-ci, c’est l’inverse. On connaît alors le montant du budget alloué par la maison d’édition. Nous, les directeurs artistiques, nous venons voir notre équipe et nous proposons le projet. Et les personnes qui le veulent, acceptent. Puis, nous accompagnons le mieux possible ces personnes.

Notre travail, c’est aussi de vérifier que tout cela soit équilibré. Par exemple, de ne pas avoir deux auteurs qui exposent du “carnet de voyage”. Ne pas avoir une tendance trop “jeunesse”.

Nous avons une volonté de ne pas avoir de thématique pour une édition. Nous voulons rester sur quelque chose de généraliste. D’en donner à tout le monde, des choses pointues, des choses grand public, des approches de dessinateurs ou des approches de lecteurs.

Les expositions sont-elles aussi portées à plusieurs ?

Nicoby : Je le recommande d’être à plusieurs pour un commissariat d’exposition. C’est beaucoup d’énergie déployée pour seulement trois jours. Ça permet aussi de varier les regards et d’entretenir la motivation des uns et des autres.

 » Nous sommes d’ailleurs très contents de voir que les rencontres sont de plus en plus suivies et appréciées par le public. »

Quai des Bulles ce sont des expositions, mais ce sont également des animations et des rencontres pendant trois journées. Comment procédez-vous pour organiser un tel programme ?

Nicoby : Nous sommes répartis en commissions qui s’occupent spécifiquement de certains aspects. Nous sommes d’ailleurs très contents de voir que les rencontres sont de plus en plus suivies et appréciées par le public. Plus nous en proposons, plus cela fonctionne. Les éditeurs se rendent compte que c’est une autre manière de parler des livres. C’est le reflet d’une certaine tendance de la bande dessinée qui est d’aborder des propos, des thématiques. Ce que nous faisons avec La revue dessinée, ça cartonne !

Régis Thomas, le troisième directeur artistique, a identifié que lorsqu’il y avait une thématique pour les rencontres, ça fonctionnait encore mieux. Il faut donc identifier les auteurs pertinents sur un thème pour que cela puisse amener à des regards croisés.

Est-ce qu’il est possible de mutualiser ces expositions afin qu’elles soient valorisées au-delà des trois jours du festival ?

Nicoby : Cela existe dans l’association. Nous avons des expositions à louer. Elles sont d’ailleurs conçues pour cela, pour être louées. Pour les autres, c’est assez rare qu’on le fasse. Notamment pour des questions de logistique. Lorsque des expositions vont aller ailleurs, ce n’est pas la même chose en termes de réflexion, de scénographie, de déambulation. Il faut penser “démontable” et stockage.

« Nous avons l’envie d’exister en dehors du festival et d’être ancré dans la ville. »

Quelles sont les actions que Quai des Bulles mène tout au long de l’année en dehors du festival ?

Nicoby : Nous avons des actions avec les bibliothécaires, de la location d’expositions ou des ateliers bande dessinée dans Saint-Malo. Nous avons l’envie d’exister en dehors du festival et d’être ancré dans la ville.

Nous faisons des actions de lecture dans les établissements scolaires et dans les quartiers. Le prix Jeunesse est d’ailleurs sur un autre calendrier que celui du festival, pour coller au calendrier scolaire. Il s’accompagne de temps de médiation dans les écoles.

Les salariés travaillent tout au long de l’année, parfois sur des choses pas super drôles comme de la comptabilité. La réalisation du festival en lui-même, c’est de l’ordre de six mois.

Portrait d'Antoane - © Lannes/Gildas Le Roc’h

Portrait d’Antoane – © Lannes/Gildas Le Roc’h

Pour chacun d’entre vous, quels sont les temps forts de cette 43e édition que vous souhaiteriez mettre en avant dans ce programme prolifique ?

Nicoby : Les expositions de cette année vont être très belles. J’ai accompagné les porteurs sur celles qui seront visibles dans le Palais du grand large.

Il y a celle sur les frères Harari. Lucas, l’auteur de bandes dessinées qui a travaillé avec Arthur son frère réalisateur de films et co-scénariste d’Anatomie d’une chute. Il y aura aussi une projection débat de Diamant noir, le long-métrage d’Arthur.

Mon petit coup de cœur, c’est Tom-Tom, Anna, Nana, Froga… de Bernadette à Anouk. Une exposition de l’auteur Laurent Houssin qui est une vision croisée des univers jeunesse de Bernadette Després, autrice de Tom-Tom et Nana et Anouk Ricard, autrice d’Anna et Froga. Il y aura dans l’exposition une vidéo de conversation entre les deux créatrices.

Les fonds sous-marins dans la très jolie exposition immersive Jim Curious. Ou encore La gazette, un fanzine pour retrouver toute l’actualité du festival. Cette année, nous avons invité Rita, la revue indépendante de Jeff Pourquié qui s’occupera de remplir les pages de cette publication.

Y aura-t-il des événements en dehors du Palais du Grand large ?

Il y a des lieux extérieurs au Palais du Grand large qui accueillent aussi des événements pendant cette édition. La Tour Bidouane abrite l’exposition Le château des étoiles d’Alex Alice. À la médiathèque La grande passerelle, il y a notamment une exposition Usagi Yujimbo le samouraï vagabond mais aussi une dizaine de rencontres pour le public.

Antoane : Devant les remparts intra-muros, en extérieur, il y a une exposition Lisa Mandel, nouvelle observatrice, que j’ai réalisée.

Nicoby : Lisa, qui est aussi l’illustratrice de l’affiche de cette année mais aussi la marraine du concours Jeunes talents. On aime bien associer les auteurs dans la vie du festival et donc on essaie que l’auteur de l’affiche puisse être le parrain des prix Jeunes talents.

Affiche du concours Jeunes Talents Quai des Bulles 2024 réalisée par Amandine Foccroule

Antoane : J’aimerais parler de la venue d’une délégation africaine. Il y a 17 personnes invitées à Quai des bulles. Cette délégation a été organisée par l’Institut de Paris et qui veut mettre en avant les artistes BD du continent.

Parmi les 17, il y a des autrices et auteurs, mais aussi des éditeurs et des organisateurs de festivals. Et plus particulièrement des auteurs de webtoons. Pour eux, réaliser des webtoons leur permet de contourner les difficultés d’impression des livres. Ils sont donc présents pour nouer des contacts avec des professionnels francophones de la bande dessinée, pour organiser des partenariats ou se faire éditer en Europe. Ils participeront ainsi à des tables rondes lors de la journée professionnelle du festival qui a lieu le vendredi.

« On peut dire qu’on est passionnés et qu’on essaie d’être passionnants. »

Est-ce que dans le programme, il y a d’autres choses que vous voulez mettre en avant ?

Antoane : Oui, les rencontres amateurs/professionnels. Dans l’organisation du festival, des professionnels accueillent les matins des créateurs amateurs de bande dessinée. Ils leur donnent des conseils. Puis, l’après-midi, nous les orientons vers des autrices et auteurs confirmés mais aussi vers des éditrices et des éditeurs, selon leurs styles graphiques. Ce sont donc des moments d’échanges, qui se déroulent à la Rotonde côté Bistro.

Nicoby : De plus en plus, le festival est un moment pour les professionnels. Des équipes éditoriales de nombreuses maisons d’édition se déplacent. Les autrices et auteurs qui seraient juste de passage peuvent être accrédités afin de prendre le temps de discuter avec leurs collègues et les staffs éditoriaux.

Pour conclure, on peut dire qu’on est passionnés et qu’on essaie d’être passionnants. Les personnes qui composent l’équipe sont tombés dedans avant d’y être. Ce sont des visiteurs du festival qui ont eu envie de s’investir.

Entretien réalisé le vendredi 11 octobre par Claire Karius et Damien Canteau
Retranscription et mise en page : Damien Canteau
Relecture : Claire Karius
Article posté le vendredi 18 octobre 2024 par Claire et Damien

À propos de l'auteur de cet article

Claire et Damien

Des rencontres et des interviews d'autrices et d'auteurs menées par Claire Karius et Damien Canteau

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