100 Bucket List of the dead

100 Bucket list of the dead. Quand seule une apocalypse zombie vous permet d’avoir des congés, c’est peut-être le moment de réfléchir aux priorités qui régissent votre vie. Haro Aso et Kotaro Takata vous embarquent dans les vacances les plus siphonnées de votre carrière.

Carpe Diem, les Zombies sont là !

Akira Tendô est au bord du burn-out. Cela fait trois ans qu’il ne compte plus ses heures de travail. Parfois, il ne rentre pas pendant plusieurs jours. Pourtant ça ne s’annonçait pas trop mal lorsqu’il est arrivé dans cette boîte. Puis le soir du premier jour, il a vu le piège se refermer sur lui. CLAC ! Son bureau est devenu une prison et son boss, un geôlier. Le travail en guise de chaîne et de boulet.

Au bout de trois ans, Akira ne fait plus le ménage chez lui, ne dort plus la nuit, il a le teint pâle et des cernes de six pieds de long. Il se déplace mollement, supporte peu la lumière. On dirait un zombie… Ni plus ni moins.

Jusqu’au matin où la rue se remplit de vrais Zombies. C’est une vision d’horreur. Des gens tirés de leur voiture par une horde de mort-vivant, le concierge qui dévore les tripes d’une femme, les yeux blanchâtres, la face déchiqueté. Des voisins qui le coursent dans les couloirs la mâchoire pendante. Leur râle rauque résonnant dans l’immeuble, la rue, la ville. Tous aux abris, c’est l’Apocalypse zombie !

Mais pour Akira, c’est le déclic. Plus jamais il n’aura besoin d’aller au travail ! La liberté !

C’est le moment de commencer une nouvelle vie. De s’offrir les vacances qu’il n’a pas eu pendant 3 ans. Une vie où il ne se priverait de rien. Il ferait tout ce qu’il a rêvé de faire. Du SUB yoga, un concert en pleine air, une partie d’airsoft, revoir sa famille, trouver l’âme sœur…

Comment ça impossible en pleine Apocalypse zombie  ? Franchement Akira ne voit pas le problème. Ce sont ses premières vacances depuis son entrée dans cette société esclavagiste. Il ne va pas se priver !

100 bucket list of the dead

Akira établit une liste de 100 choses à faire avant de devenir un zombie. C’est cette liste qui va dorénavant guider ses pas. Mais toujours sans stresse. Avec la patate, la banane, l’énergie des bons jours, les ailes de la liberté qui battent furieusement une fois sortie de sa prison moderne. Akira est un héros détente qui rend très simple la pire des situations. C’est un malin. Un gars vif d’esprit à l’air décharné de vampire dépressif qui le rend tout de suite sympathique.

Kotaro Takata, le dessinateur de 100 Bucket List of the dead, a une belle maîtrise de la mise en page. Il chouchoute le rythme du récit avec une ponctuation de case et de bulle au poil. Rien d’extraordinaire, c’est un manga contemporain, confortablement calé dans les attentes du genre. C’est simplement fluide, dynamique, ça coule de source. En plus, il nous offre de superbes doubles pages, dont le cynisme souligne tout le paradoxal humour de la série.

Ici, pas de grand débat sur la survie en période de fin du monde. Pas de dilemmes moraux, ni de déploiement de violence. Rien de tout cela. Juste un gars qui a l’impression de revoir la couleur du ciel pour la première fois depuis 3 ans. Et une analyste cartésienne nonchalamment sexy, ainsi qu’un comique qui a raté sa vie. 100 bucket list of the dead commence comme un Survival Game qui aurait bugué dès le début de la partie.

Il était une fois Romero

100 Bucket List of the dead reprend des règles bien connues de la Zombie culture. Avoir un bon cardio, ne pas sous-estimer le vélo, dégotter des vivres….. Le manga s’inscrit dans la droite lignée des films, séries, BD post apocalyptiques Made in Living-dead. Il fait un savant écho à Bienvenue à Zombieland avec son côté comédie familiale. Récit d’une tranche de vie qui coiffe au poteau notre société capitaliste.

George A.Romero met les pieds dans le plat en créant le zombie moderne dans les années 1970. Le zombie qui se déplace en masse guidé par son obsession du « toujours plus ». Il fait écho aux consommateurs des centres commerciaux. Une consommation sans mesure devenue inarrêtable. Ce zombie se tient au juste milieux entre deux éléments qui se regardent dans le blanc des yeux : L’un, symbole du changement climatique, menace abstraite et inarrêtable tel les Marcheurs Blancs de Game of Throne. L’autre, incarnation d’une société consumériste qui s’ignore.

On passe sur la contamination Zombie métaphore du Sida, de la menace zombie allégorie du racisme, encore la naissance du Zombie critique de l’état tout puissant. Dans Poison City de Tetsuya Tutsui, ils incarnent même la Politique de la Censure.

Bref. Le zombie ne sait pas parler mais raconte beaucoup de chose.

100 Bucket list of the dead revendique le même ascendant. Pour un personnage zombifié par sa charge de travail, une véritable invasion zombie ressemble au paradis.

Zombie Society

Qu’est-ce que cela raconte de notre société moderne ?

Les règles de notre société balisent le cadre des conventions collectives, de la loi du travail, peu ou prou adaptée à la réalité des emplois. Mais les autres règles… les règles de la bienséance, les règles des conventions sociales. Elles débordent des sentiers battus par la loi. Dans une entreprise donnée, déclarer ses heures supplémentaires, socialement, ça passe mal. Pire. Professionnellement, ça passe mal.

« Quand on est pro, on compte pas ses heures ! » – une idée reçue

Ça s’appelle la culture du Crunch. Un mot très en vogue pour décrire la charge de travail des concepteurs de jeux vidéos à la veille d’un rendu. Comme l’ont d’ailleurs démontré les sorties controversées de Cyberpunk 2077, Anthem ou Mass Effect Andromeda. Mais c’est très loin d’être spécifique à ce domaine. Et c’est un ticket simple pour le Burn-out.

Au Japon, un terme existe pour désigner à peu près le même phénomène : Le Karôshi. Il renvoie à l’épuisement physique et moral, voire la mort par excès de travail. On se souvient de mangaka régulièrement arrêté supposément à cause cette excès : Katsura Hoshino l’autrice de D.Gray man, Yoshihiro Togashi le créateur de Hunter x Hunter, récemment Gege Akutami, auteur de Jujustu   Kaizen ou encore régulièrement Eiichiro Oda, le père de One Piece.

Hors du domaine du manga, et pour faire une parenthèse chiffrée : en 2017, 90% des personnes décédés de surmenages avaient accumulé au moins 80 heures supplémentaires par mois. Ce chiffre fait partie intégrante du fonctionnement d’une entreprise nippone. C’est une extension légale des horaires de travail en période d’activité « intensive ».

100 Bucket list of the dead : Burlesquement glauque.

Haro Aso, ça vous dit quelque chose ? C’est le même bonhomme qui a écrit Alice in Borderland, sortie en 2021 sur Netflix, d’après le manga du même nom sorti en 2010. Alors oui. La mort pend au nez de nos héros. Mais tout ce qui va se passer entre maintenant et la fin va être une belle partie de fun.

Haro Aso nous habitue aux univers contrastés, toujours pleins de frisson, d’adrénaline. Mais cette fois, dans un tout autre registre qu’Alice in Borderland. L’auteur fraye avec une comédie juteuse, bon-enfant et déjantée. Un manga des éditions Kana, à caler quelque part près de Mieruko-chan Slice of horror et le film Shaun of the dead d’Edgar Wright et Simon Pegg.

Article posté le dimanche 20 juin 2021 par Marie Lonni

Bucket list of the dead - Haso Aro - Kana
  • 100 Bucket List of the Dead
  • Auteur : Haro Aso
  • Dessinateur : Kotaro Takata
  • Editeur : Editions Kana, collection Big Kana
  • Prix :  7,45€
  • Parution : 14 mai 2021
  • ISBN : 9782505110019

Résumé de l’éditeur : Après 3 ans de boulot dans une société qui le presse comme un citron, Akira est en burn-out total. Mais il n’a même plus assez de lucidité pour s’en apercevoir… jusqu’au jour où le quotidien est détruit par une épidémie zombie !
Ça y est, plus besoin de travailler ! Akira peut enfin croquer la vie à pleine dents et profiter de l’instant présent.
Il décide donc de dresser une liste de 100 choses qu’il voudrait avoir fait avant de devenir un zombie : conduire une Harley Davidson, se faire pousser la barbe, jouer à un jeu vidéo sur écran géant… Car selon son analyse très personnelle mais réaliste, cela n’est qu’une question de temps !

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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