Les promeneuses de l’Apocalypse

Au rayon Apocalypse, je demande la section Tourisme. Les promeneuses de l’Apocalypse de Sakae Saito chez Doki Doki est une série apaisante et pleine d’aventure. Une série qui vient enrichir un genre en développement exponentielle… Celui de la fin du monde feel-good. 

Les promeneuses de l’Apocalypse

Dans quelques années, le monde saura fabriquer des motos Serow 225 électrique, des humains cyborgs ou des robots humanoïdes surpuissant. Dans quelques années, Yoko et Airi vont parcourir les lieux les plus célèbres du Japon sur leur moto tout terrain. Un voyage festif pour deux jeunes filles pleines d’énergie. Mais dans quelques années, le monde s’est déjà effondré. 

Yoko et Airi sont seules au monde. Il n’y a pas d’humain. Parfois, elles tombent sur un cadavre, des civils et des militaires. Elles chapardent des rations, des conserves dans les restaurants abandonnés, elles zigzaguent sur les routes défoncées, empruntant les chemins de traverses et autres voie ferrées désaffectées. Elles suivent les traces de la sœur de Yoko. De photo instagram en photo instagram, dans un internet qui fonctionne encore mais où plus rien ne s’y passe, elles retrouvent les lieux qu’elle a visité durant son propre voyage.

Dans une ambiance de vacances d’été, Yoko et Airi ne se posent pas de question. Mais le lecteur lui, en a un paquet au bord des lèvres. Que s’est-il passé ? Où est la sœur de Yoko, est-elle encore en vie ? Pourquoi Yoko est la seule survivante apparente ? Et Airi, pas si humaine que cela, que fait elle avec Yoko ? Pourquoi Yoko rêve-t-elle du passé, elle qui est bien trop jeune pour en avoir une idée ? 

Les Promeneuses de l’Apocalypse est sans conteste un manga bon pour se détendre. Son parfum de vacances, sa petite touche de mystère et ses deux personnages guillerettes, malignes et débrouillardes sauront redonner le sourire à qui à besoin de prendre une pause. Son graphisme est lumineux, Sakae Saito ne lésine pas sur les détails paysagés. 

Le goût de la liberté

Dans Les promeneuses de l’apocalypse, Sakae Saito renoue avec le bon sens absolu. Yoko et Airi circulent dans un monde sans loi. Sans société, il n’y a plus les contraintes qui vont avec. Ainsi, elles goûtent à une forme de liberté adolescente qui sommeille toujours un peu en nous. C’est le retour du bon sens le plus pure, mais aussi le plus naïf. Un retour au source par la débrouille hors des conventions sociale. Tout se fait sans limite, simplement parce que c’est plus pratique. 

Ce parfum de liberté un peu atypique rappelle le goût doux-amer des vacances d’été. La parenthèse de tout les possibles s’ouvre, comme un bon petit Été à Tsurumaki ou dans la touffeur de In Summer. Sauf que pour les promeneuses, cette parenthèse ne se referme pas. Et surtout, elles ne savent même pas ce que sont des vacances. 

Pour le lecteur assoiffé d’aventure depuis son canapé, c’est une aubaine. 

Une impression de déjà vu ?

Vous connaissez cette chanson.

Escale à Yokohama, Girls Last Tour, A Journey Beyond Heaven, Coppelion et 100 Bucket List of the dead. Autant d’ouvrages sortis entre 2020 et 2022 en France qui portent la même ambiance : le manga tranche de vie post-apocalypse

Si certains sont plus apaisants que d’autres, ils ont ce trait de caractère commun de raconter des univers où la vie, la paix et l’amusement sont possible après la destruction de notre société. Parfois plus que de son vivant. 

Cette lame de fond de la littérature manga n’est pas récente mais prend de plus en plus d’ampleur. Au Japon, Escale à Yokohama a déjà 30 ans. Coppelion est sortie en 2008, Girls Last Tour en 2014, A Journey Beyond Heaven et 100 Bucket List of te dead en 2018.

Cette littérature bien-heureuse, ô combien rassurante, avance vers nous avec dans son sillage une menace fantôme

La fin du monde est une thématique récurrente de la science-fiction depuis la fin du XIXe siècle. Au cinéma comme dans la littérature. Elle a des acteurs diverses : nucléaire, bactériologique, environnemental, industriel, militaire, social, technologique…. En manga, on retrouve les oppressants Gunnm (1990), Dragon Head (1995), Blame ! (1998) ou encore les chaotiques Akira (1982), Eden, it’s an endless world (1997) et  7 seeds (2001).

Une Voie Diphonique

Dans ces paysages d’apocalypse, l’humanité n’a pas disparu partout. Elle lutte désespérément dans Dragon Head. Elle poursuit sa déchéance dans Akira et Gunnm. Elle reste fidèle à elle-même dans Eden. Seul Blame ! est aussi contemplatif que nos Promeneuses. Mais là, point de paysage de nature, ni d’air de vacances et de liberté. Mais plutôt un lieu clos où l’humanité est écrasée par le gigantisme d’un monde mécanique. Quelle genre de folie peut nous pousser vers un tel monde ? 

Les auteurs de science-fiction nous offrent, depuis quelques décennies, deux avenirs parallèles. L’un où nos erreurs continues de nous consumer. Un autre où la paix et le bonheur prospèrent malgré tout. 

Aujourd’hui, l’imaginaire collectif s’aperçoit peu à peu que tous les scénarios de fin du monde sont, en réalité, intrinsèquement liés. Il s’aperçoit également que ces drames ne sont plus si fantaisistes que cela (sauf les Zombies). A la mémoire des auteurs de science-fiction du XXe siècle – qui siégeaient en prospectivistes – le monde de demain est déjà un peu le monde d’aujourd’hui. Un tout petit peu.

Et si pour nous rassurer, nous imaginions l’Après. Comme si la fin du monde tel que nous le connaissons n’étaient qu’un simple cauchemar. Et qu’Après nous serons libre de toutes les contraintes que notre société actuelle nous impose, et nous entraîne chaque année un peu plus vers le côté sombre de la Force. 

Les promeneuses de l’Apocalypse remplissent merveilleusement bien cet office. C’est un manga qui nous fait voyager dans un Après possible, doux et qui semble sans fin (lui).

Article posté le vendredi 16 décembre 2022 par Marie Lonni

Les promeneuses de l'apocalypse - Sakae Saito - Doki doki
  • Les Promeneuses de l’Apocalypse
  • Auteurice : Sakae Saito
  • Éditeur : Doki Doki
  • Prix : 7,50 €
  • Parution : 13 juillet 2022
  • ISBN : 9782818994139

Résumé de l’éditeur : Le monde est anéanti… Partons le visiter à moto !
Yôko et Airi visitent les endroits les plus célèbres du Japon avec leur moto tout terrain. Admirer le mont Fuji depuis Hakone, pêcher sur le pont de la baie de Yokohama, sans oublier d’aller au Tokyo Big Sight. Voilà le voyage qui attend nos deux jeunes filles à moto. Hélas, le monde s’est effondré…

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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