Skizz en Terre étrangère

Les éditions Delirium poursuivent la publication des œuvres d’Alan Moore. Et cette fois-ci, c’est Skizz, un attachant extraterrestre qui a les honneurs. Ne boudons pas notre plaisir et découvrons ou redécouvrons les aventures d’un E.T. au Royaume Uni.

Skizz : l’épopée en Terre hostile.

Alors qu’il est en route pour une conférence interplanétaire, Skizz, l’interprète de Tau Céti est victime d’une avarie. En dernier recours, il doit poser son vaisseau aux environs d’une curieuse bourgade au nom imprononçable. Il découvre alors une planète hostile, peuplée d’êtres primitifs. Cette planète, nous la connaissons bien, c’est notre bonne vieille Terre. Bien entendu, cette histoire en rappelle une autre… Mais sous la plume acerbe du grand Alan Moore, ce périple interplanétaire va prendre les airs de satire d’une société que le natif de Northampton ne connaît que trop bien.

E.T. vs Skizz.

En 1982, l’épopée cinématographique d’un adorable extra-terrestre avait fait chavirer le cœur des enfants du monde entier. Et un an après, une aventure similaire avait vu le jour dans les pages de la revue anglaise 2000 AD (Sláine). Et le fait est qu’on ne peut ignorer les points communs qui existent entre le film de Steven Spielberg et le comic book d’Alan Moore et Jim Baikie. Coïncidence artistique ? Influence du cinéma sur la culture des années 80 ? Manque de fair-play de la part d’un studio de cinéma omnipotent ? Difficile d’être affirmatif, mais toujours est-il qu’en introduction, Jim Baikie, laisse planer le doute sur la primeur de l’idée. Et avouons-le, à la lecture des premières pages de Skizz, il semble complexe de trancher.

Spielberg vs Moore.

Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que comme Elliott, la jeune Roxy se retrouve bien impuissante lorsque Skizz tombe malade et que des hommes du gouvernement habillés de combinaisons viennent le chercher. Mais comble de l’ironie, c’est à ce moment précis qu’on peut lire l’échange suivant :

«   – Ce n’était pas comme ça la fin du film, si ?

– Je ne sais pas. Je suis sorti en cours de séance, juste après le truc des vélos. »

Nous voilà rassurés, Skizz n’est pas E.T. mais en 1983, Alan Moore était déjà Alan Moore. Et en réalité, c’est à partir de ce point que l’œuvre prend toute son ampleur.

Skizz  : E.T. in the U.K.

Le fait est qu’en 1983, des œuvres comme V pour Vendetta ou Watchmen n’ont pas encore vu le jour. Et pourtant, on sent que le jeune scénariste a déjà en tête bon nombre de thèmes qui feront sa légende. Mais pour les développer, il s’appuie encore sur des procédés qui ont fait leur preuve. Et le premier d’entre eux est bien entendu le regard éloigné. En effet, en présentant l’Angleterre de Margaret Thatcher au travers des yeux d’un extra-terrestre, Alan Moore entend prouver que l’humanité n’est pas toujours là où on l’attend. Et de cette manière, il rend hommage aux laissés-pour-compte de la révolution industrielle qui, et ce n’est pas un hasard, seront les seuls à tendre la main à l’interprète de Tau Céti. On l’aura compris, Skizz est une œuvre bien plus subtile qu’on aurait pu le croire. Et cette subtilité se retrouve jusque dans les dessins, à ceci près que manifestement, travailler avec Alan Moore relève toujours du défi

« Le corps d’un kangourou auquel on aurait greffé les doubles pouces d’un koala. »

Fidèle au style de la revue 2000 AD (Némésis le Sorcier, Hope), Jim Baikie réalise une prestation de grande qualité. Sa maîtrise du noir et blanc est remarquable. Et aussi à l’aise pour retranscrire les sentiments des protagonistes que pour représenter les scènes d’actions, il donne merveilleusement vie à l’histoire. Et si le dessinateur confesse quelques difficultés pour trouver l’apparence de Skizz, il faut bien avouer le résultat est parfaitement convainquant.

 

Skizz, c’est l’histoire d’un extra-terrestre qui arrive sur Terre, mais c’est aussi beaucoup d’autres choses. À la fois fable de science-fiction et satire sociale, cette aventure porte en elle les germes de ce qui fera la légende d’Alan Moore. Et c’est à lire chez Delirium.

Article posté le mercredi 15 mai 2024 par Victor Benelbaz

Skizz en Terre étrangère d'Alan Moore et Jim Baikie (Delirium)
  • Skizz en terre étrangère
  • Auteur : Alan Moore
  • Dessinateur : Jim Baikie
  • Traducteur : Alex Nikolavitch
  • Éditeur : Delirium
  • Prix : 20 €
  • Pagination : 120 pages
  • Parution : 15 mars 2024
  • ISBN : 9782493428349

Résumé de l’éditeurSkizz, interprète taucétien qui parcourt les étoiles, s’écrase sur Terre. Traqué, il va désespérément chercher un moyen de quitter la planète, aidé par quelques rares humains désintéressés. Voici enfin la réédition attendue de ce classique d’Alan MOORE publié dans les pages du magazine culte 2000 AD, dans une édition qui propose également pour la première fois cette grande épopée dans son intégralité. Au long de sa carrière dans les pages du fameux magazine britannique qui durera de 1980 à 1986, il publiera une myriade d’histoires courtes mêlant humour, science-fiction et brillante satire de nos sociétés : après l’Intégrale FUTURE SHOCKS en 2023 et le chef-d’oeuvre de SF visionnaire et féministe « La Ballade de HALO JONES », voici l’intégrale SKIZZ, nouveau récit de science-fiction créé avec l’un de ses plus talentueux compagnons d’aventures éditoriales, Jim BAIKIE.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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