Une uchronie à la française écrite par quatre grands auteurs, voilà qui ne pouvait qu’être alléchant ! Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Fred Blanchard et Hervé Tanquerelle racontent la folle aventure d’Ismaël devant retrouver une pile électrique et devant sauver un robot géant dans Le dernier Atlas. Original et fascinant !
La tournée de prélèvements
Tassili, Algérie 2018. Le temps presse : les grands échassiers ne migrent plus vers le Nord. Un ex-ingénieur Roland Fabre et une journaliste Françoise Halfort sont sur place et ne peuvent que constater ce phénomène naturel étranger. Pourquoi ? Mystère. Et s’il s’agissait d’autre chose…
A des milliers de kilomètre de là, au Nord, à Nantes, Ismaël fait sa tournée. Accompagné de ses deux hommes-de-main, il vient récupérer de l’argent dans des bars. Ce bandit a la charge de prélever « l’impôt » pour son Jean Legoff, son parrain. En échange d’argent, la bande est là pour protéger les commerces.
David attend dans la voiture, tandis que Hamid doit faire peur à Fouad, patron de l’Atlas , un troquet de quartier. Le propriétaire sort alors un album Caselli, collecteur de vignettes, et en donne une à Ismaël : le commandant du George Sand.
Ismaël et la pile nucléaire
Contacté par son boss, Ismaël vient faire le ménage à L’oasis, une discothèque du coin. Ça dérape et il se retrouve au commissariat.
Plus tard, il est envoyé par Legoff en Algérie où il doit retrouver une pile nucléaire afin de faire fonctionner de nouveau un géant de l’Atlas.
Les souvenirs remontent dans la mémoire d’Ismaël : il rêvait d’appartenir à l’équipage du George Sand, un des colosses de fer fabriqué à Saint-Nazaire et envoyé en Afrique du Nord…
Le dernier Atlas : superbe polar uchronique
Il aura fallait huit ans pour que le projet Le dernier Atlas voit le jour. Huit années où Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Fred Blanchard et Hervé Tanquerelle ont réfléchi à cette saga haletante entre uchronie, Histoire, polar et aventure. Huit ans pour dévoiler un premier opus accrocheur et haletant, l’une des belles surprises de l’année 2019 !
Avant cela, le récit était paru sous forme de 10 petits livrets en noir et blanc, de quoi donner envie aux lecteurs de se procurer cet excellent album.
Fabien Velhmann (La colère du Marsupilami) et Gwen de Bonneval (Racontars arctiques) ont vraiment misé sur la psychologie de leurs personnages pour élaborer une intrigue solide. Ismaël et son passé de petit garçon qui ressort, ses deux sbires, plutôt durs mais pas très futés ou encore Legoff, patron autoritaire.
Uchronie à petit pas
Le dernier Atlas commence comme une histoire de gangsters plutôt classique pour rapidement glisser vers de la science-fiction. Le lecteur apprécie surtout l’intelligence de deux scénariste pour apporter par petites touches ces éléments uchronique. Sans y toucher, en lisant, ils nous emmènent encore plus loin que Nantes, Paris et Alger, dans univers hypnotique de robots .
En ancrant leur intrigue dans le réel, ils jouent avec le passé, le présent et le futur avec maestria. Leur récit coule de source et fascine. C’est cette justesse et cette crédibilité qui ajoutent à la force de l’album, à l’image de La guerre des mondes de H.G. Wells dont ils se sont aussi inspirés.
La décolonisation comme nouvelle histoire
Comme ils l’explique en post-face, les auteurs ont voulu réinventer l’Histoire, en partant de l’Algérie française et de sa décolonisation. Sans trop en dévoiler, cette réécriture plait par son intelligence. Solidement documenté, Le dernier Atlas tend vers l’action, l’aventure, le polar et le récit scientifique. Parfois, il tutoie aussi le mysticisme et les croyances indiennes ancestrales.
Mais, le lecteur apprécie aussi le sous-texte de ce premier volume. La science-fiction a cela de merveilleux, c’est que l’on peut y dénoncer les travers de nos sociétés actuelles. Ainsi, de Bonneval et Vehlmann peuvent parler de la crise des réfugiés, de racisme, de dérèglement climatique et d’écologie (la réserve naturelle de Tassili ou encore des déchets occidentaux « recyclés » dans des pays en voie de développement) mais aussi de l’Algérie et des blessures de sa décolonisation encore ouvertes aujourd’hui.
Géant de fer humains
A l’image du merveilleux film d’animation Le géant de fer dont il prend les caractéristiques physiques, les Atlas sont magnifiques sous les pinceaux de Hervé Tanquerelle et de Fred Blanchard. La mécanique de ses colosses de fer est quasiment humaine. Il suffit de regarder marcher les robots comme dans une sublime danse dégingandé pour se rendre compte de la force graphique de l’auteur de Star Wars, L’Héritier de l’empire. C’est en effet, Blanchard qui a réfléchi au design des géants et des véhicules motorisés.
Aidé aux couleurs de la brillante Laurence Croix, l’auteur de Groenland Vertigo dévoile des planches superbes. Son trait nerveux donne un rythme enlevé au récit. De plus, ses personnages semblent tout droit sortis de films noirs d’espionnage.
Prévue en trois tome, Le dernier Atlas est surprenant et génial. Vivement la suite !
- Le dernier Atlas, tome 1/3
- Scénaristes : Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann
- Dessinateur : Hervé Tanquerelle
- Design : Fred Blanchard
- Coloriste : Laurence Croix
- Editeur : Dupuis
- Parution : 15 mars 2019
- Prix : 24.95€
- ISBN : 9782800171166
Résumé de l’éditeur : Ismaël Tayeb est lieutenant dans un gang criminel. Son grand patron lui donne un ordre qu’il ne peut refuser : trouver une pile nucléaire… Pour cela il va devoir remettre en marche et voler le dernier Atlas, un de ces immenses robots français qui géraient des constructions titanesques jusqu’au milieu des années 70, mais qui, suite à un grave incident à Batna durant la guerre d’Algérie, ont tous été démantelés… à l’exception du George Sand. Au même moment, Françoise Halfort, ex- reporter de guerre, se retrouve confrontée dans le parc de Tassili à un phénomène écologique et sismique sans précédent qui va bouleverser l’équilibre du monde… Un récit-fleuve, intensément feuilletonnant, à lire d’urgence !
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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