Louise rencontre Aurora et plus rien n’est comme avant. Les deux adolescentes brûlent la vie, s’échappent et ne se contrôlent plus. Adlynn Fischer met en image cette soif de liberté dans L’été du vertige. Incandescent !
« Il n’y avait pas de raison que ça se passe mal. »
Louise et sa petite sœur Marion sont seules à la maison pendant une semaine. Leur père est parti pour son travail. L’adolescente doit donc gérer le quotidien et s’occuper de tout.
Dans leur pavillon dans une banlieue très calme, « il n’y avait pas de raison que ça se passe mal. » Pour cette première soirée, Louise invite des ami.es à une petite fête.
Cap ou pas cap ?
La vingtaine d’adolescent.es passent un bon moment. Louise est intriguée par l’une d’elles : Aurora, la cousine d’Antoine, son ami.
Très libre, la jeune fille aime les défis. Elle décide d’organiser un jeu. Tous les participants et participantes doivent noter un défi sur un papier, sorte de Cap ou pas cap ?
Aurora et Louise se rapprochent, jusqu’à faire brûler des affaires de la seconde. Le levé du soleil se passe alors sur le toit de la maison, à discuter et fumer…
L’été du vertige, perturbant et incandescent
Pour son premier album, Adlynn Fischer frappe fort. L’autrice née en 1995 a suivi les courts de l’EESI (Ecole européenne supérieure de l’image d’Angoulême) puis ceux de l’ESA de Saint-Luc à Bruxelles.
L’été du vertige, c’est un récit de deux adolescentes qui se trouvent, s’apprivoisent et tombent amoureuses. Édité par La ville brûle – ayant publié le merveilleux Félixe et la maison qui marchait la nuit – ce rapprochement est enflammé, dans tous les sens du terme.
D’un côté, Louise, jeune fille assez « sage » et de l’autre, Aurora, libre et en rupture d’autorité. Cette dernière attire la première comme un aimant.
De la fragilité de l’adolescence
A l’image du formidable Vénéneuses de Thomas Gilbert, L’été du vertige conte les difficultés du passage de l’enfance à l’adolescence. Louise et Aurora sont comme Domitille et Noor, fragiles, jeunes, parfois insouciantes mais tellement libres.
Le danger est là, sourd, qui guette les deux adolescentes. Elles sont sur le fil, prêtes à tomber du bon ou du mauvais côté. Et il y a l’amour. Un amour lesbien, pur parce que nouveau pour Louise mais pas si innocent que cela. Jusqu’où aller dans une toute première idylle ?
De la sororité des autrices
En lisant L’été du vertige, on pourra rapprocher cette bande dessinée de tous les albums de la talentueuse Tillie Walden dans ces rapports amoureux entre adolescentes (Spinning, Dans un rayon de soleil, J’adore ce passage, Sur la route de West).
Mais, on pourra également penser à Voleuse de Lucie Bryon, l’humour en moins de l’histoire d’Adlynn Fischer. Et à toutes ces autrices, telle Alison Bechdel qui subliment les femmes, la sororité et les amours lesbiens.
L’été du vertige, une belle maîtrise narrative
Adlynn Fischer développe son histoire avec une très belle maîtrise narrative. C’est d’une grande justesse sur les tourments de l’adolescence et d’une grande fluidité de lecture. On est happé par cette histoire. C’est hypnotisant !
On assiste en même temps que cette puissance de vie et d’amour à ce vertige, cet attirance vers l’abîme. Et l’on ne peut rien faire. On est impuissants, ballottés entre cet idylle naissante et ces grosses bêtises en devenir.
Le trait est d’une belle lisibilité, comme le récit. Le trait semi-réaliste d’Adlynn Fischer est épuré. Il est souligné par une merveilleuse gamme chromatique, notamment lorsque cela crépite et devient bouillonnant.
L’été du vertige est un album perturbant, poignant et ardent.
- L’été du vertige
- Autrice : Adlynn Fischer
- Éditeur : La ville brûle
- Prix : 22 €
- Parution : 13 janvier 2023
- ISBN : 9782360121410
Résumé de l’éditeur : Louise, en rupture d’autorité et d’identité et sa petite soeur Marion passent quelques jours seules à la maison : leur mère a quitté le foyer, et leur père doit partir une petite semaine pour motifs professionnels. La fête de la première soirée se prolonge, et le groupe d’ados invités par Louise prend possession de la maison, sous le regard de la jeune Marion, témoin des événements. Parmi les ados il y a Aurora, arrivée d’on ne sait où et que personne ne connaît. Une personnalité aussi charismatique que borderline, fracassée par la vie, qui entraînera Louise loin, très loin, de sa vie d’adolescente de banlieue – jusqu’au vertige.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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