Out of Body

Peter Milligan et Iñaki Miranda nous emmènent aux confins de l’esprit humain. Paru chez Black River, Out of Body est un polar occulte où mystère et métaphysique s’entremêlent allègrement.

Out Of Body : « je sais que vous êtes là. »

Quand Dan Collins reprend connaissance, il est allongé dans un lit d’hôpital. Un large bandage recouvre son crâne et il ne doit sa survie qu’à l’assistant respiratoire auquel il est branché. Et pourtant, son esprit est indemne. Mais il est comme enfermé dans un corps qui ne lui répond plus.

« J’essaie de parler ou de faire un bruit, pour qu’ils sachent que je suis prisonnier. Mais mon cerveau n’est plus connecté à ma bouche. »

Le jeune psychologue a beau se concentrer, il ne se souvient de rien. Alors bien entendu, les propos que l’inspecteur Nowak tient à son chevet ont l’effet d’une bombe :

« On l’a agressé et laissé pour mort, mais sans rien lui voler. Tout ça prend donc un tour personnel. »

« Ce n’est pas la fin, on peut même y voir un commencement. »

Dépité, mais loin d’être résigné, Dan Collins veut alors tenter le tout pour le tout. Et le seul moyen qu’il envisage pour mener l’enquête est de réaliser une expérience extra-corporelle.

Après tout, ça ne doit pas être bien sorcier. Il a accompagné bon nombre de patients, alors il peut bien se guider lui-même entre les limbes et l’au-delà.

Mais bien vite, le jeune homme va réaliser que l’expérience comporte des risques insoupçonnés et qu’il va avoir besoin d’aide.

Out of Body : le polar au-delà du réel.

Connu pour ses récits horrifiques, Peter Milligan aime explorer tous les horizons. De la Nouvelle Orléans (Shadowman) jusque dans l’antiquité romaine (Britannia) le prolifique scénariste a maintes fois prouvé son talent pour maintenir en haleine son lecteur. Avec Out of Body, initialement paru chez Aftershock (A walk through Hell), le panorama s’élargit sur le plan astral, au-delà de l’enveloppe corporelle, au-delà de la vie.

Cette idée extrêmement originale permet de renouveler le genre du polar à bien des aspects. En effet, outre le fait que la victime est aussi l’enquêteur, on découvre une intrigue double : celle du réel, où le meurtre a été commis, et celle des esprits, où le danger n’est pas moins présent.

Milligan expérimente.

L’auteur s’en explique dans sa préface : la projection astrale est un phénomène qui l’a toujours passionné. Il le reconnaît, il a même tenté des expériences sur lui-même. Et même si elles ont été plus ou moins fructueuses, elles lui ont permis d’appréhender le champ des possibles d’un point de vue scénaristique. Et avec sa dernière production, il explore avec beaucoup de talent cette nouvelle voie. Bien entendu, l’exercice est périlleux car l’équilibre entre réalité et occultisme était complexe à trouver. Par ailleurs, le concept rappelle le jeu vidéo Driver: San Francisco, et même le film Ghost, avec Patrick Swayze dans le rôle de l’âme en peine. Mais force est de constater que Peter Milligan trouve sa propre voie et réalise un polar aussi efficace qu’original. Indéniablement, le pari est réussi. Et les magnifiques dessins qui accompagnent le récit y sont pour beaucoup.

Rendre visible l’intangible.

Et c’est à Iñaki Miranda que revient la lourde tâche de représenter un monde où la projection astrale prend forme. Bien entendu, l’exercice comporte certains attendus. Et le dessinateur de We Live en a pleinement conscience. Ainsi, nous avons bien droit à la scène où l’esprit hébété survole son propre corps dans une chambre d’hôpital austère. De la même manière, un peu plus loin, on verra la même entité entourée de ses congénères éthérés suivant désespérément un chemin qui ne semble pouvoir mener qu’à une éblouissante lumière blanche.

Une touche personnelle.

Mais loin de se cacher derrière ces points de passage obligés, le talentueux dessinateur prend rapidement ses aises pour créer une ambiance personnelle, sombre, parfaitement cohérente avec le ton donné par Peter Milligan. La construction des planches, particulièrement élaborée, colle avec justesse au rythme du récit. Et par des artifices particulièrement bien trouvés, l’artiste guide son lecteur à travers les diverses strates astrales. À ce titre, on ne peut qu’apprécier le soin apporté par Eva de la Cruz pour la colorisation. En particulier, les scènes où l’esprit, aidé par des substances psychotropes, se retrouve dans une dimension psychédélique, sont un exemple du genre. Un simple coup d’œil à la magnifique illustration servant de couverture permet de s’en persuader.

« Aux limites de l’imaginaire »… Avec Out of Body, le polar aux frontières du réel de Peter Milligan et Iñaki Miranda, le slogan trouvé  par les éditions Black River ne pouvait pas mieux tomber.

Article posté le mercredi 01 novembre 2023 par Victor Benelbaz

Out of Body, de Peter Milligan et Iñaki Miranda (Black River)
  • Out of Body
  • Auteur : Peter Milligan
  • Dessinateur : Iñaki Miranda
  • Coloriste :  Eva de la Cruz
  • Traducteur : Xavier Hanart
  • Éditeur : Black River
  • Prix : 14,90 €
  • Parution : 14 septembre 2023
  • ISBN : 9782384260140

Résumé de l’éditeurUn nouveau souffle dans l’horreur, mêlant surnaturel et mystère par le scénariste primé Peter Milligan (X-Force, X-Statix, Constantine, Shade) et le dessinateur Inaki Miranda (We live, Harley Quinn) ! Dan Collins se réveille paralysé à l’hôpital et apprend qu’il a été attaqué et laissé pour mort. Il se trouve maintenant dans un état végétatif permanent, et est maintenu en vie grâce à des machines. Il ne peut ni bouger ni communiquer, mais d’une manière ou d’une autre, il doit découvrir qui voulait sa mort, avant de désactiver son assistance respiratoire. Par le pouvoir de la projection astrale, il met au jour les circonstances de son malheur, et identifie les acteurs métaphysiques impliqués dans cette énigme occulte. Qui est la belle mystique qui l’accompagne sur le plan astral ? Qui est August Fryne et pourquoi veut-il l’âme de Dan ? Et quel est le lien avec un démon qui semble n’être autre que Dorian Gray ?

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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