De Popeye à Persépolis : bande dessinée et cinéma d’animation

La bande dessinée et le cinéma sont deux arts qui s’apprivoisent, s’entrecroisent et produisent des oeuvres pour tous les publics. La cité de la bande dessinée d’Angoulême dévoile De Popeye à Persépolis : bande dessinée et cinéma d’animation, une superbe exposition ludique, pédagogique pour toute la famille. Mickey, Superman, les Shadocks ou Félix le chat, ils s’animent tous devant vous !

Une envie d’animer le dessin

 

 

Dès la fin du XIXe et le début du XXe siècles le public se prend d’amour pour les arts visuels. D’un côté, la bande dessinée prend ses marques avec Rodolphe Töppfer, G.Ri ou Gustave Doré mais également la littérature en estampe ou le développement des illustrés diffusés par les colporteurs ou les kiosquiers. De l’autre, le cinéma attire le public grâce aux frères Lumière ou aux machines Pathé.

Il semblait donc logique que ces deux arts se rencontrent pour le plus grand bonheur du public. « Le développement de ces deux médiums s’interconnectent notamment grâce aux artistes, aux auteurs et aux inventeurs. Inventeurs qui s’intéressent à la façon dont le dessin peut bouger », souligne Anne-Hélène Hoog, directrice du musée de la bande dessinée et co-commissaire de l’exposition avec Pascal Vimenet et Serge Bromberg.

De nouvelles attractions pour diffuser au plus grand nombre

 

Dans une première salle, les visiteurs de De Popeye à Persépolis : bande dessinée et cinéma d’animation découvrent ainsi les premiers pas de cette nouvelle symbiose entre la bande dessinée et le cinéma. Ainsi est créé le cinéma d’animation avec des pionniers, notamment le dessinateur  de Little Nemo Winsor McCay, Charles-Emile Raynaud l’inventeur du praxinoscope et du théâtre optique, mais également Emile Cohl dessinateur et réalisateur qui travailla avec le dessinateur américain Charles McManus.

Ces premiers temps sont des temps de recherches, d’innovations et de progrès sans jamais laisser de côté la qualité des histoires projetées. Anne-Hélène Hoog insiste sur les améliorations technologiques qui se multiplient : « Les inventeurs peuvent alors augmenter leurs productions et donc amener une production plus large vers tous les publics. »

De l’autre côté de l’Atlantique, les firmes américaines se développent aussi, notamment parce que le premier conflit mondial ne se trouve pas sur son territoire. Popeye et Félix le chat pointent le bout de leur nez.

Une culture partagée

Les premiers personnages s’animent. Des personnages que le public connait notamment par les illustrés ou les bandes dessinées. Le 7e art nourrit le 9e et inversement. Les stars dessinées percent dans les classes populaires.

Surtout qu’en 1923, « Pathé invente un projecteur pour regarder à la maison, chez soi, de manière plus intime » relève la directrice du musée de la bande dessinée. Si les postes sont très chers, l’on peut se regrouper à plusieurs chez celui dans le village qui en possède un. La culture globale se diffuse au plus grand nombre. Anne-Hèlene Hoog poursuit alors : « Betty Boop, Popeye ou Mickey se démocratisent. De plus en plus de personnes peuvent les regarder. Ces personnages deviennent populaires, entrent dans l’imaginaire car ils sont tout de suite reconnaissables par tout le monde, grâce à leur silhouette ou même un accessoire. »

Les personnages dessinés deviennent des stars

Dans la deuxième pièce, les visiteurs déambulent devant des personnages qu’ils connaissent avant tout par la télévision. Personnages qui avaient eu une première vie en dessin dans des revues ou dans les quotidiens. Profitant de leur soudaine notoriété, ils continuent néanmoins leur existence dans des magazines ou des journaux.

Les anciens des studios Disney, les frères Fleischer livrent une lutte acharnée à Walt par leurs studios très performants.

C’est également la période où le merchandising se développe. Mickey, Minnie, Betty Boop ou Félix le chat se retrouvent ainsi dans des publicités, des livres ou sur les vêtements ou deviennent des jouets.

Culture et contre-culture

Dans l’avant-dernière partie de l’exposition, celle où le public se masse en nombre, les super-héros sont à l’honneur. Un mur de couvertures de comics Avengers et Superman côtoie celui de Tom & Jerry. Si les justiciers américains bodybuildés sont créés sur papier dans les années 1930-1940, il faut attendre les décennies suivantes pour devenir des stars. « La contre-culture entre dans nos vie par la télévision » insiste la commissaire d’exposition. Les séries animées se multiplient grâce à des studios créatifs et produisant à la chaîne.

Hanna-Barbera, Tex Avery ou Disney sont des noms de plus en plus connus des téléspectateurs. La famille Pierrafeu, Yogi l’ours, Les fous du volant, Bip-Bip le coyote ou Woody Woodpecker se taillent la part du lion.

Un grand pas de côté

Devant les écrans, les petits et les grands se figent. Grâce à un boîtier et des oreillettes, il suffit de pointer une gommette pour se plonger dans les courts-métrages, la musique ou les épisodes de ces personnages. Cette fois-ci, on peut égoïstement les apprécier seul. Un petit plaisir que l’on fait alterner avec les panneaux que l’on peut partager à plusieurs.

De grands pas de côté sont alors fait. Les dessins animés ne sont plus uniquement pour les enfants. Des productions se dévoilent aux adultes. Grâce notamment aux studios United Production of America (UPA) développant Mister Magoo ou Gerald McBoing Boing. Snoopy et les Peanuts s’animent également.

Des croquis de recherches des Simpsons ne sont pas loin d’épisodes qui tournent en boucle sur un écran de télévision. Les personnages de Matt Groening font aussi face aux Shadocks du Français Jacques Rouxel.

Longs métrages de qualité

Comme il y a quatre ans par la superbe exposition Goscinny et le cinéma, le musée n’oublie pas les longs-métrages d’animation des studios Idéfix comme Les XII travaux d’Astérix ou La ballade des Dalton.

Les films de René Laloux, La planète sauvage, Les maîtres du temps ou Gandahar mettent en image des personnages de Moebius ou Philippe Caza. Sans oublier ceux de Paul Grimault, La bergère et le ramoneur ou Le roi et l’oiseau. Tous des chefs-d’œuvre multi-récompensés. L’exposition n’oublie pas ceux plus récents tels Persépolis de Marjane Satrapi, Le chat du rabbin de Joann Sfar ou ceux d’Hayao Miyazaki.

Mais comme le regrette Anne-Hélène Hoog : « Il était délicat de montrer toute la force de l’animation japonaise parce qu’il aurait fallu une salle entière. On montre ici un peu de Tezuka, One Piece, Naruto, Ghost in the Shell ou Blame. Mais surtout on évoque comment cette culture arrive en France par Goldorak. »

Retour à l’expérimentation technologique

Des productions plus originales et moins grand public, comme Peur(s) du noir sont également abordées dans la dernière partie de l’exposition.

Les visiteurs découvrent alors que des nouveaux venus dans le monde du cinéma d’animation interrogent l’image en mouvement par des objets et des inventions. C’est le retour à l’expérimentation technologique. On y retrouve ainsi Philippe Dupuy et Ruppert & Mulot à l’extérieur de l’exposition avec leur tour animée impressionnante et psychédélique.

De Popeye à Persépolis à voir en famille

De Popeye à Persépolis : bande dessinée et cinéma d’animation est visible au musée de la bande dessinée jusqu’au 6 novembre. Courez-y en famille, il y a tellement de visuels (planches, couvertures, courts-métrages ou épisodes) que l’on ne sait plus où donner de la tête.

C’est de nouveau une grande réussite pour une exposition proposée par la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Nous sommes impressionnés par la qualité toujours au rendez-vous (Picasso et la bande dessinée, Lewis Trondheim, Catherine Meurisse, Jean Harambat).

Et si vous voulez prolonger votre journée, deux expositions sont aussi proposées dans les lieux : Fabcaro sur la colline et Les enfants de la résistance (Vaisseau Moebius).

Article posté le dimanche 21 août 2022 par Damien Canteau

Renseignements complémentaires

De Popeye à Persépolis : bande dessinée et cinéma d’animation

– Commissariat de l’exposition : Anne Hélène Hoog, Pascal Vimenet et Serge Bromberg

– jusqu’au 6 novembre 2022

– musée, cité internationale de la bande dessinée et de l’image

Quai de la Charente – Angoulême

+33 5 45 38 65 65

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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