Catherine Meurisse, chemin de traverse

Le Musée du papier accueille une grande rétrospective de l’œuvre de Catherine Meurisse. De Moderne Olympia à Delacroix, en passant par La légèreté ou Les grands espaces, prenons les chemins de traverses avec cette grande autrice, élue à l’Académie des beaux-arts en janvier 2020. Une immersion drôle, tout en sensibilité.

De ses cahiers d’écolière aux premières fables animalières

Née le 8 février 1980 à Niort, Catherine Meurisse est la fille d’un père ingénieur des forêts et d’une mère au foyer. Comme elle le décrit dans son excellent album Les grands espaces, elle a vécu avec ses parents et Fanny, sa sœur, dans la campagne deux-sévriennes.

Le premier cadre accroché dans cette exposition montre des cahiers d’écolier où la petite Catherine aimait déjà dessiner dans les marges. Elle présente aussi sa version du Corbeau et du renard, celle présenté au Concours de la bande dessinée scolaire d’Angoulême en 1993, qu’elle ne remporte rien. Il devra attendre quatre ans pour obtenir le Grand écureuil d’or de ce même concours. Le début d’une grande carrière d’autrice et d’illustratrice.

Dans ce même premier coin, le visiteur découvre ses Fables animalières qu’elle a mis en image au début des années 2000. Le roman de Renart, Diogène ou Franky et Raoul, tant de planches drôles et savoureuses.

La chèvre au repos pas du goût de tout le monde

En 1997, elle participe à un autre concours pour promouvoir le Chabichou, un fromage cher à Ségolène Royal. Elle imagine La chèvre au repos, une illustration s’inspirant de la toile Le hamac de Courbet. Mais les commanditaires ont eu peur que cela vexe la Dame du Poitou et ont préféré ne pas retenir ce projet. Ils pensaient que l’animal pourrait avoir des airs de la future candidate à l’élection présidentielle.

L’anecdote fait encore rire Catherine Meurisse lorsqu’elle la raconte aux journalistes lors de la visite presse le mercredi avant le festival.

Des grands auteurs inspirants pour Catherine Meurisse

En plus de sa passion pour la peinture, elle admire de grands noms de l’illustration. Ainsi, dans son panthéon, et affiché à côté de ses productions, les visiteurs peuvent contempler un dessin de Jean-Jacques Sempé – Le bus du petit Nicolas – un planche d’Agrippine de Claire Bretécher, une page de Gotlib, Clown de Quentin Blake et The Party de Tomi Ungerer. D’ailleurs, elle sera impressionnée quelques années plus tard, lorsqu’elle ira faire des reportages sur ces deux derniers pour le compte de Charlie Hebdo.

Elle aime aussi Granville, Hetzel et découvre aussi les grands maîtres paysagistes lors de ses visites au Louvre. Des moments forts qu’elle raconte aussi dans Les grands espaces. De ses rencontres avec les grands artistes, elle en développera des thèmes dans ses albums, notamment Moderne Olympia, Le pont des arts, Mes hommes de lettres ou Delacroix.

De la jeunesse…

Si elle ne se met jamais directement en scène, son réseau de références artistiques finit par tracer en creux son propre autoportrait.

En plus de Fables animalières, elle produit des livres jeunesse. Ma tata Thérèse, Franky et Raoul, Diogène et Le roman de Renart sont autant de petites pépites dans le parcours hors-norme de Catherine Meurisse.

… A Charlie Hebdo

Une partie entière est consacrée à son travail pour Charlie Hebdo. C’est en 2001 qu’elle rencontre des auteurs de la revue satirique. Elle participe au concours Presse Citron – qu’elle remporte – dont le jury est constitué de quelques gloires de Charlie.

Elle entre alors dans le saint des saints comme on entre en communion. Tout juste sortie de l’Ecole Estienne, elle dépareille dans la rédaction. Aux Unes – il y en a d’accroché aux murs – elle préfère les dessins intérieurs. Elle fait des reportages de société comme à Sangatte, des caricatures d’hommes politiques et participe aux recueils collectifs édités par Les échappés.

Mais cette joie immense de travailler aux côtés de Cabu, Wolinski, Tignous et Charb se fracasse le 7 janvier 2015 avec les attentats contre Charlie dont elle réchappe. Comme cela est encore très frais et très douloureux, elle a demandé à Jean-Pierre Mercier et Anne-Claire Norot – les commissaires de l’exposition – de ne pas trop s’appesantir sur le sujet. C’est pourquoi, dans la montée vers la salle suivante, il n’y a que quelques cases issues de La légèreté, celles où elle est aspirée de l’autre côté d’une toile.

Une lumière après le chagrin

Une immense salle termine cette visite. Elle comporte des planches de La légèreté mais surtout des Grands espaces; un album autobiographique sur son enfance près de Niort.

C’est lumineux et c’est végétal, comme si ce retour vers ses racines avait été essentiel pour passer à autre chose. Un diorama immense trône le long d’un mur. On y découvre la maison familiale, une Catherine enfant et une Catherine adulte qui ouvre une porte vers cette période gaie et très naïve. De ci, de là, de petites figurines s’intercalent entre les planches.

Dans cet album comme dans La légèreté, elle prenait enfin le temps de dire « je » et se se représenter, pour la première fois.

Un dernier recoin met en lumière ses recherches sur son tout dernier album, Delacroix. Elle peut être fière de son parcours, la nouvelle membre de l’Académie des beaux-arts, section peinture, elle qui aime tant l’art. Elle dit d’ailleurs de cette nomination que c’est sa meilleure blague ! On en n’attendait pas moins de cette autrice à l’humour ravageur. Une exposition finalement qui lui ressemble et qui lui va bien. Une belle découverte !

Article posté le jeudi 27 février 2020 par Damien Canteau

Renseignements complémentaires

Catherine Meurisse, chemin de traverse

jusqu’au 1er mars 2020

Musée du papier

134 rue de Bordeaux
Angoulême, 16000 France

Commissaires : Stéphane Beaujean, Jean-Pierre Mercier et Anne-Claire Norot
Scénographe : Dominique Clergerie

Production : 9eArt+ / FIBD

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.

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