Prince Rours, auteur d’Orage et de Bouhland, propose une saga en trois volets dans un monde où la magie règne sur notre planète Terre. Au-delà d’une bonne histoire de magie et de démon, Prince Rours se lance dans une véritable expérience de récit entre webtoon et manga, d’ellipse en ellipse. Rencontre avec Prince Rours, édité par Dupuis, collection KFactory.
Prince Rours, Orage est ta première série éditée papier, mais ton parcours d’auteur commence bien plus tôt ?
Oui, tout a commencé à la Japan Expo en amateur. En 2015, j’ai fondé le magazine The Wanted Mag. On peut y retrouver la scène manga et BD d’aujourd’hui. Jéronimo Céjulo, Yoann Vonnière, Jim Bishop … On a fait cinq tomes en deux ans, ça marchait bien.
J’ai fait une dépression quand j’ai lâché le fanzine. Je pense qu’il a été réalisé parce qu’en réalité j’avais peur de me lancer seul dans la vie d’artiste. Finalement après ma dépression, je me suis lancé seul et ça a très bien marché.
J’ai été repéré par les éditions Dupuis sur Instagram. J’ai eu le plaisir de réalisé Bouhland sur Webtoon Factory. C’est mon premier projet édité. J’ai ensuite été contacté par le Label 619 et Mathieu Bablet pour Midnight Order. Puis pour LowReader, le magazine d’horreur du Label 619 qui sort en octobre prochain. Orage T2 sort le même mois. J’ai un autre projet en cours également avec un scénariste…
A la fin du premier volume d’Orage, on retrouve les croquis de construction de ton univers. Quelle est l’origine d’Orage ?
Orage a vraiment été créé dans le temps. Quand j’étais en école d’art, j’avais déjà le personnage d’Orage sous un autre nom. J’ai toujours voulu raconter une histoire qui contient tout ce que j’aime dans le manga, la BD franco-belge ou le comics. Dans le manga, par exemple dans Naruto, au bout d’une dizaine de tomes, il y a une ellipse de quelques années. Comme dans Dragon Ball. J’ai repris l’idée car j’avais vraiment envie de faire deux tomes sur la jeunesse des héros dans Bouhland, deux tomes plutôt shōnen sur leur adolescence avec Orage et deux autres tomes plutôt seinen. Je souhaite montrer l’évolution de la vie.
Dans notre enfance, le monde est simple et mignon. Enfin ça dépend des enfances, disons que je parle de la mienne. Avec Orage, on entre dans un monde beaucoup plus dure avec des enjeux géopolitiques, comme dans le monde réel.
Tu as souhaité rester proche de la réalité malgré la fantaisie ?
Même quand j’écris, l’histoire continue de changer. On souligne souvent que je parle du Covid-19 dans Orage et que cela ancre le lecteur dans le présent. Ce n’était pas du tout le but. C’était juste logique car j’ai écrit durant le second confinement. Comme Orage se passe dans le présent, je me suis dit qu’il fallait que je mette des masques et que je parle de médicomage qui cherchent un remède. Ça me permet de dire que dans un monde brutal, il peut y avoir de la fantaisie et dans la fantaisie, il y a un monde brutal.
Comment as-tu développé les individualités de tes personnages qui sont très archétypés shōnen ?
J’avais très envie de créer un personnage qui n’existait pas encore. Mais je me suis souvenu d’un de mes professeurs en école. Un élève avait dit vouloir créer quelque chose qui n’a encore jamais été écrit. Le professeur avait répondu :
« De toute façon tout a déjà été fait. Seulement ça n’a pas été raconté par vous ».
Cette phrase m’a beaucoup touché.
Quand je lis des mangas aujourd’hui, j’ai l’impression de lire une histoire que j’ai déjà lu 15 fois. Mais il y a toujours un petit quelque chose en plus. Orage est comme ça aussi. Le personnage a un côté héros abruti comme la plupart des shōnens, mais il apporte quelque chose par sa colère et son caractère. Laïtoff et Lila ne sont pas tout à fait ce qu’il semble être non plus [pour le bien du lecteur, nous ne spoilerons pas]. Ils sont d’ailleurs plus mise en avant qu’Orage dans Bouhland. Avec le manga, je fais l’inverse. A la fin de Bouhland, je recevais des messages me disant que le personnage le plus classe était Laïtoff. Dans Orage, on me dit que c’est Orage. Rien que ça constitue une petite victoire.
Mettant à part Bouhland, Orage est une duologie. Le fait que ça se déroule en deux tomes, crains-tu de devoir trop en dire sur trop peu de temps ?
Si. J’ai eu très peur de ça. J’ai une connaissance qui est très déçu que ça termine en deux tomes. J’aurais peut-être développé en trois tomes si j’avais pu. Mais c’est comme ça que j’ai prévu l’édition papier, donc ça ira.
Il y a une chose marrante, c’est que j’ai beaucoup de retour de garçons qui me disent que les combats sont pas assez longs et des filles qui me disent « j’aime beaucoup car comme ça tu développes le Lore [l’univers]». C’est exactement ça. Je préfère développer le Lore. Je n’avais pas envie de faire des combats de trois tomes. On a déjà vu ça mille fois. Même dans la vraie vie, les combats ne dure jamais longtemps. Je regarde beaucoup l’UFC [Ultimate Fighting Championship], chaque combat dure maximum 10-15 minutes.
Mon seul regret, c’est de ne pas avoir plus développer les pouvoirs des personnages dans le tome 1. Mais on en verra beaucoup plus dans le tome 2.
Tu fais beaucoup de clin d’œil à la réalité ou à d’autres fictions dans les décors et dans les dialogues. Pourtant, c’est très digeste pour le lecteur, comment tu fais pour te renouveler face à un tel buffet de référence ?
Je pense qu’il faut vraiment écrire ce qu’on a envie. Quelqu’un m’a dit qu’il trouvait que ça changeait trop d’univers de chapitre en chapitre. Pourtant c’est ce que j’aime au contraire. Quand je lis, j’adore le côté voyage. D’autres n’aiment pas du tout. On a pas beaucoup de planches, mais je ne me suis pas privé car j’avais vraiment envie de faire voyager les lecteurs.
C’est pour ça que j’ai beaucoup de références de lieux. Surtout français car c’est vraiment un manga français. Notre Dame de Paris, La Tour Vauban, le Panthéon et la Tour Eiffel. Beaucoup de lecteurs de manga ont envie d’aller au Japon. Je pense que ça vient du fait que les Japonais font souvent références à des lieux réels de leur vie quotidienne. A travers eux, on connait le Japon sans y être aller.
Est-ce qu’Orage aurait pu être édité sous une autre forme que le manga ?
Oui, ça aurait très bien pu. Quand je présente Orage aux gens, je dis souvent que c’est un manga français en couleurs, pour montrer que c’est vraiment différent. Parce qu’on rajoute quelque chose. En fait, la France a vraiment cette force d’avoir grandit avec les trois pôles : la BD franco-belge, le comics et le manga. On est capable de réunir tous les codes. En tout cas il y a beaucoup de talent qui le font et qui le font bien.
Entretien réalisé le samedi 15 juillet 2023 à la Japan Expo de Paris.
- Orage T1
- Auteur : PR – Prince Rours
- Editeur : Vega Dupuis
- Prix : 16 €
- Parution : 16 juin 2023
- ISBN : 9782379503351
Résumé de l’éditeur : Orage, magicien de type foudre, termine ses études à Bouhland, école secrète où magiciens, monstres et vampires ? autrefois rivaux ? peuvent protéger la Terre des derniers partisans du Croquemitaine, créature qui faillit détruire la Terre. Désireux de faire ses preuves, le jeune garçon va transgresser les règles afin de capturer un allié du Croquemitaine mais va ainsi brièvement plonger aux Enfers, d’où il ramènera Gello, un monstre de violence qui va fusionner avec lui. La vie d’Orage ? et le destin du monde ? vont dès lors devenir très compliqués…
À propos de l'auteur de cet article
Marie Lonni
"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !
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