Kadath, l’inconnue

Paru chez Black River, Kadath, l’inconnue n’est autre que l’adaptation de La Quête onirique de Kadath l’inconnue de H.P. Lovecraft. Florentino Flórez, Guillermo Sanna et Jacques Salomon nous proposent une incursion dans le monde du maître des cauchemars.

Kadath, l’inconnue : tes paupières sont lourdes.

« Par trois fois Randolph Carter rêva de la cité merveilleuse… ».

Et par trois fois, il crut atteindre ce lieu dont la beauté dépasse l’entendement.

Mais par trois fois, il échoua…

Pourtant, ce ne fut pas à cause des fourbes Zoogs, de l’irascible prêtre Atal ou des perfides marchands de Dylath-Leen.

Non… Si Randolph Carter échoua, c’est tout simplement parce que par trois fois, il s’éveilla.

Alors pour obtenir les réponses à ses questions et pour parvenir à rejoindre la cité de ses rêves, il entreprit un voyage insensé. Un voyage que personne n’avait même osé imaginer : celui qui le mènerait à Kadath, la demeure des Dieux et du grand Nyarlathotep. Et là, pourquoi pas, si la chance lui sourit, il pourra s’entretenir avec. Car eux seuls possèdent les réponses.

À la rencontre d’un mythe. des zoogs, des ghasts, des gugs et de Nyarlathotep.

Nous le constations récemment encore, H.P. Lovecraft fascine encore et toujours. Et pourtant, quiconque a déjà parcouru les pages de ses romans le sait : il n’est pas facile d’accès. Le fait est que son usage de descriptions morcelées, de lieux et de personnages aux noms à la limite du prononçable et d’ellipses répétées rend la lecture complexe. Mais en réalité, il offre ainsi au lecteur la possibilité d’imaginer ce qui n’a pas été dit. Et c’est probablement pour ces raisons que le mystérieux auteur inspire autant dans le milieu du 9ème art (Alan Moore, Gou Tanabe, Richard Corben). Car effectivement, adapter permet de cocréer.

Comment faire en sorte que Kadath soit connue ?

Dans le cas présent, le travail d’adaptation apparaît dès le titre. En effet, La Quête onirique de Kadath l’inconnue devient plus sobrement Kadath, l’inconnue. Bien entendu, le caractère onirique de la quête n’est pas pour autant occulté. Mais la volonté affichée de concision et de clarté sera bien présente dans la bande dessinée.

De plus, comme dans le roman, Florentino Flórez (Big John Buscema), en charge de l’adaptation, prend soin d’inscrire le récit dans un univers fait de rêves, parfois, et de cauchemars, souvent. Ainsi, les monstres et les lieux issus de l’esprit tourmenté de Lovecraft sont bel et bien présents. Et ils prennent vie avec efficacité grâce aux dessins de Guillermo Sanna et Jacques Salomon. À ce titre, on soulignera la fluidité avec laquelle les éléments s’enchainent. Et alors qu’on aurait pu craindre des difficultés pour appréhender la narration ou pour identifier les protagonistes et les créatures, il n’en est rien. Ainsi, il n’est nullement besoin d’être un habitué de Lovecraft pour profiter des aventures de Randolph Carter. Pourtant, bien qu’appréciables, tous ces éléments sont somme toute attendus. Et en réalité, c’est dans les judicieux ajouts que l’adaptation trouve tout son intérêt.

Adapter Lovecraft, entre tradition…

En effet, conscient de la complexité de la tâche qui lui incombe, Florentino Flórez va s’appuyer sur un personnage aux multiples facettes : un intrépide chat noir. Tantôt adjuvant, tantôt confident, il s’avère aussi utile pour faire avancer l’intrigue que pour connaître les pensées du protagoniste. Et si les spécialistes reconnaîtront le chat d’Ulthar, il n’est pas nécessaire, là encore, d’en savoir davantage sur le personnage pour comprendre le récit. On le voit donc, piocher chez Lovecraft pour simplifier Lovecraft peut s’avérer utile. Mais fort heureusement, Florentino Flórez sait varier ses références littéraires.

… et innovation.

Et la plus évidente apparaît dès la première page. En effet, afin de représenter la succession des phases de réveil et de rêve, le scénariste espagnol va avoir recours à une autre référence onirique : Little Nemo, l’inépuisable source d’inspiration. Ainsi, chaque chapitre débute avec une escapade extrêmement bien trouvée dans l’univers de Winsor McCay et ce, jusque dans le style graphique. L’effet est saisissant et il touche indéniablement au but. Par la suite, toutes les allusions procèderont de la même manière : elles offrent une clé de compréhension à un récit qui, sans ces ajouts, aurait été bien trop abscons. Et finalement, accompagné de Georges Méliès, Savinien de Cyrano de Bergerac et même Lucien de Samosate, on parvient à affronter les cauchemars de Lovecraft.

 

La tâche s’annonçait ardue. Et pourtant, Florentino Flórez, Guillermo Sanna et Jacques Salomon réalisent une adaptation particulièrement réussie du maître des cauchemars : H.P. Lovecraft.

Article posté le dimanche 18 février 2024 par Victor Benelbaz

Kadath, l'inconnue de Florentino Flórez, Guillermo Sanna et Jacques Salomon (Black River)
  • H.P. Lovecraft – Kadath, l’inconnue
  • Auteur : Florentino Flórez
  • Dessinateurs : Guillermo Sanna et Jacques Salomon
  • Coloriste :  Jacques Salomon
  • Traducteur : David Guélou
  • Éditeur : Black River
  • Prix : 19,90 €
  • Parution : 09 novembre 2023
  • Pagination : 224 pages
  • ISBN : 9782384260485

Résumé de l’éditeur » Hei! Aa-shanta nygh ! Va-t’en ! Renvoie les dieux de la Terre dans leur repaire de Kadath l’inconnue, et prie l’espace tout entier de ne jamais me rencontrer sous mes mille autres formes…; car je suis Nyarlathotep, le Chaos Rampant !  » Randolph Carter, voyageur au pays des rêves, tente de ne pas se réveiller avant d’avoir atteint son objectif, l’inaccessible Kadath : la demeure des dieux, un lieu de fantastique et d’imagination débordante. Carter parcourt un monde rempli de menaces et de monstres abominables, mais aussi de palais, de cités exubérantes et de paysages qui rappellent à l’homme son rôle insignifiant sur le gigantesque échiquier cosmique. Quelles sont les raisons de continuer quand tout autour de soi est terrifiant et mortel ? Kadath peut apporter des réponses à cette question ! Une adaptation sans précédent de La Quête onirique de Kadath l’inconnue de H.P. Lovecraft.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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