L’impudence des chiens

Bien que sympathique, le comte de Dardille ne satisfait pas sexuellement son épouse qui se voit dans l’obligation de demander réparation en justice, le divorce et la moitié de sa fortune. L’homme désigné à la vindicte populaire demande l’aide au marquis pour le redresser dans cet affront. L’impudence des chiens, c’est un petit théâtre en vers et en galanterie d’Aurélien Ducoudray et Nicolas Dumontheuil. Chaud et drôle !

Dardille vacille

Séance tenante, le Marquis est demandé auprès du comte François de Dardille. La comtesse Amélie de Figule, son épouse, lui intente un procès parce qu’il ne procède pas au devoir conjugal. Un acte notarié lui enjoint de se soumettre à l’épreuve du Congrès ! Rien que cela !!! Mais qu’est-ce que cet examen ?

Sous l’œil divin, des juges et d’un public trié sur le volet, François devra faire l’amour à Amélie afin de démontrer qu’il aime cela et qu’il en est capable. Tudieu, rien que cela !!!

Mou, mou, complètement mou

Malgré les demandes et les essais, Dardille reste complètement mou. Mou, car il n’a aucune envie. Son vit vit sans vie. Lui préfère couler des soldats de plomb dans les dépendances de sa vaste demeure. Pourtant, la bataille, il va devoir la mener contre cette absence d’appétit sexuel.

Mais, le comte est tombé sur le meilleur pour redonner de l’ardeur à son service trois pièces : le Marquis est l’homme de la situation. Le gentilhomme l’emmène alors voir des prostituées…

L’impudence des chiens ou la recherche du plaisir

Oh les bougres ! Aurélien Ducoudray et Nicolas Dumontheuil imaginent un album porno-humoristique sympathique et très drôle. S’il n’est pas à mettre entre des mains innocentes, ce récit possède tous les ingrédients pour faire passer un excellent moment de lecture. Entre bouillonnement sexuel et rimes, le duo proposent une intrigue complètement folle.

Le scénariste de Chen : les enfants perdus se prend au jeu en imaginant une histoire fondée sur les codes du théâtre. Si l’unité de lieu n’est pas réellement respectée, quasiment tout l’album se déroule au château de Dardille, en revanche, l’unité de temps – une journée – et d’action sont visibles. Telle une pièce de Molière, Aurélien Ducoudray sort ses meilleurs atours pour les dialogues, en rime et en volubilité. On apprécie donc ce langage soutenu, parfois très fleuri, qui attire mais ne déstabilise pas.

Le congrès, épreuve divine

Comme à son habitude, Aurélien Ducoudray aime fonder son propos sur des faits historiques (Amère Russie, Camp Poutine, L’anniversaire de Kim Jung Il…), plus ou moins anecdotique, pour livrer un album mieux ancré dans la réalité.

Ainsi, L’impudence des chiens possède des bases solides et vraiment historiques. Pratique odieuse et dépassée, l’épreuve du Congrès fut usité à partir de la Renaissance et ce pendant un siècle. Pour renforcer un doute persistant, l’on convoquait un collège de spécialistes afin qu’il puisse donner un avis à un tribunal. Ici, ce congrès devait mettre en évidence l’impuissance d’un mari afin que son épouse puisse engager une procédure de divorce.

Interrogatoires séparés, examen de conscience et médical, puis la grande épreuve divine : l’acte de chaire devant un public venu assister aux ébats. Une humiliation ultime pour un plaisir pourtant intime.

« Le lit conjugal, sera sans coup férir le champ de bataille du siècle à venir. »

De la malice, L’impudence des chiens n’en manque pas. La sottise des uns fraye avec la fourberie des autres. On est en pleine folie où l’humeur et l’ambiance prennent le pas. C’est drôle, coquin et c’est jouissif (vous avez dit jouissif ?).

Nous sommes donc assez loin du langage qu’utilisait Aurélien Ducoudray dans ses albums précédents ; même si l’humour est son meilleur détonateur et sa marque de fabrique.

Tout est cul par dessus tête dans ce récit. On y voit pêle-mêle des seins, des fesses et autres verges. L’intime est au grand jour dans la rue, les bordels et même dans la cour du château de Dardille lors du Congrès. Cette atmosphère joyeuse et frivole est merveilleusement mise en image par Nicolas Dumonthueil, lui aussi peu habitué des saillies des femmes et des hommes dans ses albums. L’auteur de La forêt des renards pendus, L’ogre amoureux, La longue marche des éléphants et Pas de pitié pour les indiens est le compagnon idéal pour cette folie des corps. Son trait se glisse à merveille dans l’humour. D’ailleurs, son dessin apporte lui aussi cette ironie et cette dérision.

L’impudence des chiens : un pièce de théâtre grivoise et drôle autour d’une intimité mise au regard du public. Orgasmique et jubilatoire !

Article posté le dimanche 04 septembre 2022 par Damien Canteau

L'impudence des chiens de Aurélien Ducoudray et Nicolas Dumontheuil (Delcourt)
  • L’impudence des chiens
  • Scénariste : Aurélien Ducoudray
  • Dessinateur : Nicolas Dumontheuil
  • Editeur : Delcourt, Hors collection
  • Prix : 19,99 €
  • Parution : 31 août 2022
  • ISBN : 9782413043607

Résumé de l’éditeur : Le Comte de Dardille est dans un bel imbroglio judiciaire ! Sa femme, Amélie de Figule l’accuse de renâcler à la besogne. Elle réclame donc le divorce et la moitié de sa fortune. Charge au facétieux marquis de préparer son ami le comte à l’épreuve du Congrès durant laquelle le malheureux devra, sous l’oeil de Dieu, contenter bibliquement sa femme.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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