Entretien avec Claire Fauvel et Thomas Gilbert pour Lumière Noire

Merci Claire Fauvel  et Thomas Gilbert d’avoir accepté notre invitation pour venir nous parler de votre nouvel album  Lumière Noire, édité chez Rue de Sèvres, sur lequel vous avez travaillé à quatre mains.

Pourriez-vous tous les deux vous présenter pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore ?

Claire Fauvel  : Je suis Claire Fauvel, autrice de bandes dessinées. J’ai fait cinq bandes dessinées, dont la dernière avec mon collègue Thomas Gilbert. C’est celle dont on va vous parler.

 

   

   

Une saison en Egypte (Casterman), La guerre de Catherine (Rue de Sèvres), Phoolan Devi (Casterman), La nuit est mon royaume (Rue de Sèvres)

Thomas Gilbert : Je m’appelle Thomas Gilbert. J’ai aussi quelques bouquins à mon actif. Lumière noire est notre dernière bande dessinée. On l’a faite à 4 mains sur l’écriture et le dessin.

 

    Couverture Bjorn le Morphir tome 2

   

Oklahoma Boy (Manolosanctis), Bjorn le morphir (Casterman), Les filles de Salem (Dargaud) et Nos corps alchimiques (Dargaud).

Quel est votre parcours pour arriver à la bande dessinée ?

Claire Fauvel : J’ai étudié l’illustration à l’école Estienne et le cinéma d’animation à lécole des Gobelins. J’ai travaillé un an dans l’animation avant de passer à la bande dessinée. Depuis je suis restée dans la bande dessinée.

Thomas Gilbert : J’étais à l’institut St Luc de Bruxelles pendant trois ans, ce qui m’a permis de me perfectionner en bande dessinée. Je connais tout de la bande dessinée, par cœur, de A à Z !

Thomas, tu as fait partie d’un atelier avec Léonie Bischoff, Nicolas Pitz et Jérémie Royer.

Thomas Gilbert : Oui plein de monde. On était des amis de promotion à St Luc et on se disait que ce serait un rêve de monter un atelier pour travailler ensemble mais indépendamment, chacun sur ses projets. C’était le fantasme en tant qu’étudiants de se dire qu’on pourrait travailler ensemble.

On a réussi à mettre ça en place avec les copains et les copines. L’atelier existe toujours même si je n’y vais plus. J’ai changé de ville et de façon de fonctionner. Ça nous a fait beaucoup de bien. Tu as toujours des interlocuteurs que tu n’as pas quand tu bosses tout seul.

Claire aussi tu as également travaillé en atelier.

Claire Fauvel : Pendant quelques années aussi, j’étais dans un atelier avec des auteurs et des illustrateurs de bande dessinée. Il y avait Anne Simon et Erwann Surcouf. On a travaillé plusieurs années ensemble, c’était trop bien.

Quelles sont les personnes qui ont pu vous influencer dans ce métier ?

Thomas Gilbert : J’ai toujours dessiné. Mais l’idée n’est pas venue chez moi, comme chez certains enfants qui font des fanzines à huit ans. Moi ce n’était pas du tout ça. La bande dessinée, c’était une lecture de franco-belge assez classique, dans la bibliothèque familiale. Ado tu découvres, comme Bilal. Mais j’avoue, la découverte d’Andreas dans un premier temps avec la série Arq et ensuite les auteurs de L’association, ça m’a influencé après coup.

La bande dessinée, ce n’est pas que de la bagarre ou du gros nez, il y a plein d’autres types de récits possibles.

Claire Fauvel  : Ce qui m’a donné envie de faire de la bande dessinée, c’est d’écrire des histoires. Cela vient de la lecture de romans. Je lisais très peu de bandes dessinées quand j’étais jeune. Surtout les romans classiques du XIXe siècle que j’aime beaucoup.

À l’âge ado, j’ai découvert les mangas, un amour visuel. C’est ce qui m’a influencé visuellement surtout Clamp. Même adulte, j’ai des influences mangas. C’est ce qui m’a donné envie de faire de la bande dessinée.

Vous connaissiez-vous avant de travailler sur Lumière Noire ?

Thomas Gilbert: On s’était croisés en festival.

Claire Fauvel  : On se connaissait depuis longtemps.

Thomas Gilbert : Cinq ans de rencontres en festivals, tu bois des coups et tu deviens copains.

Quand avez-vous débuté ce projet ?

Claire Fauvel  : Il y a longtemps, on s’est dit qu’il fallait qu’on travaille ensemble, qu’on mêle nos univers respectifs. Je ne sais plus quand mais on s’est dit : « Allez on se lance » .

Thomas Gilbert :  J’ai toujours eu envie de travailler à quatre mains.

Comme nos univers se ressemblent graphiquement, il y avait une évidence à travailler ensemble.

Nos envies mutuelles narratives sur nos questionnements étaient assez proches. Il fallait faire ce livre ensemble.

Avez-vous dû présenter Lumière noire à de nombreuses maisons d’édition ?

Thomas Gilbert : Au départ on l’a présenté à Charlotte Moundlic notre éditrice chez Rue de Sèvres. J’avais travaillé avec elle en jeunesse sur Bjorn le morphir.

Claire Fauvel  : On l’a présenté à nos deux éditeurs respectifs du moment Dargaud et Rue de Sèvres. Finalement on a travaillé avec ce dernier, c’est plus logique. C’est quelqu’un qu’on connaissait tous les deux et qui en plus aime beaucoup la danse.

Thomas Gilbert : On recherche toujours la cohérence éditoriale par rapport à nos cheminements et là ca tombait assez juste avec Charlotte Moundlic.

Est-ce que la danse est un domaine que vous suivez de près ?

Claire Fauvel : On avait surtout envie de dessiner la danse et des danseurs.

De quoi parle votre album Lumière Noire ?

Claire Fauvel et Thomas Gilbert : C’est l’histoire d ‘Ava une chorégraphe qui n’arrive pas à créer. Elle est face au doute, face au vide. Jusqu’au jour où elle rencontre Ian un jeune danseur tout frais sorti d’une école de danse bruxelloise. Ian va raviver la flamme d’Ava. On va suivre leur collaboration, leur histoire d’amour et leurs doutes respectifs. Mais ça ne va pas s’apaiser parce que ce sont deux personnalités très fortes. Deux univers du monde qui se rencontrent.

Thomas Gilbert :

Ce livre parle donc de danse, d’amour et de crises socio-écologiques.

Claire Fauvel  : Avec un vrai conte en plein milieu.

Que diriez-vous à ceux qui s’attendent, avec Lumière Noire, à lire un livre sur la danse  ?

Thomas Gilbert : La danse c’est l’excuse pour dessiner des bonshommes en mouvement.

Claire Fauvel  ; Il faut être indulgent, ce n’est pas un livre qui ne parle que de danse. Il ne faut pas y aller que pour ça. On voulait parler de danse, de relations humaines, de doutes. Et de crises sociales et écologiques.

Si vous aimez la danse, c’est aussi une excuse pour se lancer dans cette lecture.

Quand on voit ces crises, on peut se demander quand est situé le récit ?

Thomas Gilbert : Pour nous, on tire à peine sur ce qui se passe aujourd’hui.. C’est une uchronie complètement dingue, on a juste poussé le curseur. On n’est pas dans Blade Runner.

Claire Fauvel  : C’est un futur très proche, quelques années.

Thomas Gilbert : Ce n’est pas Robocop. Même si la société est plus tendue.

Claire Fauvel  : Plus dure, plus militarisée, plus sécuritaire.

Donc avec une certaine réalité ?

Thomas Gilbert : On voulait qu’il y ait un décor comme aujourd’hui avec des manifs tous les samedis. Avec des canicules et des oiseaux qui meurent partout. On a poussé un peu, sans que ça change beaucoup au quotidien des gens. Avec une aphasie. Un fil comme avec l’écologie, les migrants. Pour nous, c’est la même problématique qu’aujourd’hui.

Claire Fauvel  : On a le sentiment que tous les problèmes actuels sont liés. Si on veut les combattre, il faut tout changer en même temps. C’est pour cela qu’on a abordé plusieurs thèmes ensemble dans la bande dessinée.

Est-ce que le manque de créativité qui touche votre héroïne vous est arrivé à vous également ?

Claire Fauvel  : L’un comme l’autre, on ne s’est pas trouvé en manque d’inspiration. Par contre, on a pu se retrouver en panne de motivation, comme nos héros. On peut se demander, si tout ça va changer le monde. Pourquoi on fait tout ça, s’il n’y a que dix personnes qui achètent la bande dessinée.

Thomas Gilbert : On peut se demander si ça vaut le coup de continuer à faire des bouquins en papier, il en a trop. Les libraires en ont de trop. Où est-ce qu’on se situe la dedans ?

Claire Fauvel :  Comme l’héroïne, est-ce qu’on a, en tant qu’artiste, un rôle à jouer ?

Est-ce qu’on éveille la conscience des gens ou alors est-ce qu’on se fait plaisir avec nos œuvres ?

Ce sont des questions qu’on se pose toujours.

Donc quand vous commencez une histoire, le faites-vous parce que vous pensez que c’est une bonne histoire ou parce que, potentiellement, elle peut avoir un impact ?

Claire Fauvel  : Pour les deux, si ça plaît et que ça touche les gens, c’est ça a priori.

Quand je fais une bande dessinée, j’ai trois buts. Faire quelque chose qui me plaît à moi, avec des thèmes qui me touchent. J’imagine plaire à la lectrice que j’étais et que je suis. Et ensuite, c’est plaire à tout le monde, des gens différents de moi. C’est compliqué mais la bande dessinée parfaite doit être honnête envers nous même et plaire aux autres.

Thomas Gilbert : Quand un thème me plaît , je cherche le bout de ce thème. Aller au bout sans tricher. Je cherche jusqu’où je peux amener le récit.

Qu’est ce que ça signifie pour vous écrire à quatre mains ?

Claire Fauvel  : On a choisi les thèmes dont on avait envie de parler.

Il fallait des morts pour Thomas et des scènes d’amour pour moi !

Thomas Gilbert : On avait des idées et à partir de là, on a fait une écriture assez précise du récit, pour savoir où on allait. Un récit structuré à deux. Par contre pour le découpage, on était plus libres, avec chacun, une partie à gérer. On savait de quoi on devait parler avant de passer au chapitre suivant. Ensuite, on a fait un travail de nettoyage et de réécriture des dialogues pour homogénéiser le tout.

Claire Fauvel  : On a pensé l’histoire ensemble, puis on a écrit un scénario précis à deux. Quand on a eu cette base, on s’est partagé le découpage.

C’est pour cela que la mise en page de Lumière Noire n’est jamais identique ?

Claire Fauvel  : On a chacun travaillé par quart donc tout est censé se suivre. Et pour le dessin, on a dessiné dix pages à tour de rôle. Donc parfois on dessinait sur notre propre découpage et parfois sur le découpage de l’autre. Ça a vraiment contribué à mêler nos dessins. Et on voit assez peu la différence.

Thomas Gilbert : Il y a des choses que je ne fais jamais comme des pages sans case. Et au moment d’encrer, j’ai découvert des nouvelles façons de faire.

Claire Fauvel  : Pareil Thomas fait des mises en pages avec des lignes verticales.

Thomas Gilbert : De même, je n’aime pas les contes, mais c’est une idée de Claire.

Est-ce que ce conte existe vraiment ?

Claire Fauvel  : Non, il est là pour servir l’histoire générale, il est inventé, au service de notre récit.

Avez-vous vu ou visionné des ballets pour vous aider dans votre travail ?

Claire Fauvel  : On n’a eu accès à aucun spectacle live pendant cette période, c’était très décevant. On a tous les deux regardé pas mal de vidéos de danse. Plus spécifiquement des scènes de danse en duo pour m’inspirer. On a essayé de s’en détacher au moment de faire les dessins pour garder la personnalité de nos dessins et exprimer notre vision du mouvement. Gracieuse, forte, puissante.

Thomas Gilbert : La chorégraphie est belle en mouvement Mais l’arrêt sur image ne rend pas forcement grâce au mouvement. Parfois il y a des perspectives qui ne rendent pas bien. Il fallait donc le faire à notre sauce.

Pourquoi avez vous choisi cet oiseau, qu’on retrouve sur la couverture de Lumière Noire ?

Thomas Gilbert : C’est un monstre que j’avais déjà pas mal dessiné et que Claire aimait bien. On se disait que ce serait chouette de l’utiliser dans ce récit.

Claire Fauvel  : C’est un dessin qui vient de l’univers de Thomas. Il est très beau ce monstre marabout. Comme on ne voulait pas une bande dessinée trop réaliste, il fallait garder une part de magie et de mettre ce monstre.

Vous considérez-vous comme militants tels que le sont vos héros ?

Thomas Gilbert : Quand on voit autour de soi des gens qui vont plus loin dans leurs actions militantes, on est tiraillés. Ava a tout laissé tomber alors que Ian a des possibilités dans l’action.

Claire Fauvel  : Il y a un peu des deux héros en nous. On est révoltés, on a envie de s’investir mais on recule par peur, par manque de temps. Et comme Ava, on se rassure en se demandant si ca va servir à quelque chose. C’est peut-être pour cacher notre flemme. Je crois vraiment à l’engagement dans l’Art.

Je ne suis peut être pas une grande militante, mais les choses qui me tiennent à cœur, je peux les aborder dans les bandes dessinées. Ce sera déjà ça. Nos héros font ce qu’on n’ose pas faire.

Pourquoi avez vous choisi des racines iraniennes pour Ava ?

Thomas Gilbert : C’est un personnage qu’on a choisi à deux.

Claire Fauvel : On voulait marquer l’opposition entre Ian, belge, très blond et Ava. Le fait qu’elle soit iranienne, allait dans le thème de l’intégration.

On voulait faire preuve de représentativité dans l’album.

Mais elle n’est pas une caricature, elle n’est pas représentée que par ça.

La notion de domination est abordée dans Lumière Noire. Était-ce important que le pouvoir soit abordé dans ce sens là ?

Claire Fauvel  : Dès le début, on a voulu inverser les rôles classiques et les rapports. Elle est plus âgée que lui et joue le rôle du Pygmalion. Ça inverse le cliché traditionnel.

Thomas Gilbert : Ava est plus installée. Il y a tout de suite cet enjeu de légitimité qui entre dans le récit. D’ailleurs Ian cherche à s’émanciper d’Ava par d’autres voies que l’Art.

Claire Fauvel  : On voulait être réalistes sur le milieu de la danse. Sur la toute puissance des chorégraphes, sur les danseurs qui leur donnent tout leur corps et leur santé. Avec Thomas, on ne voulait pas de personnages caricaturaux, trop simples.  Mais de la subtilité. C’est pour cela que les deux héros ont une part négative et une part positive.

On ne peut pas dire qu’il y ait un gentil et un méchant. On voulait qu’ils aient une part d’ombre, elle dominatrice et lui lâche. Les deux ont des qualités et des défauts, on voulait équilibrer.

Comment avez-vous ressenti les premiers retours ?

Claire Fauvel  : Les retours de nos parents, c’est dur !

Thomas Gilbert : Une ancienne danseuse était hyper contente, elle s’était retrouvée dans ce qu’on avait dit. Ce qui me faisait dire qu’on n’était pas totalement à côté.

Claire Fauvel  : On a eu pas mal de retours plutôt positifs . Mais forcément, ceux qui viennent nous voir c’est qu’ils ont aimé. Donc on voit moins les côtés négatifs. Certains m’ont quand même dit que le récit était dur à suivre. Qu’il y avait parfois des répétitions. C’est ma famille !
Ça me touche quand on me dit, j’ai aimé tel ou tel personnage.

Thomas Gilbert : C’est une confiance du lecteur de venir, de mettre une certaine somme d’argent. C’est toujours surprenant quand on est de l’autre coté de la table. Il y a huit personnes qui attendent. Et elles n’ont pas encore lu l’album.

Claire Fauvel  : Ça peut aussi faire découvrir l’univers de l’un ou de l’autre.

Pourquoi ce titre Lumière noire ?

Claire Fauvel  : On voulait un oxymore dans le titre. C’est un lecteur qui nous l’a dit. On réutilise cet argument !

Thomas Gilbert : Il y a un événement qui est un bouleversement final.

Claire Fauvel : Avec Thomas, on n’est pas doués pour trouver des titres. Donc, ça ne nous est pas venu naturellement. Mais il semblait faire sens par rapport à la fin du récit.

Thomas Gilbert : Il sonnait bien.

Comment s’est déroulé le travail sur la couverture  de Lumière noire ?

Thomas Gilbert : Bizarrement, c’est allé assez vite. Claire a dessiné ces personnages enlacés. On voulait des couleurs assez ternes. On a mis plus de temps pour les couleurs que pour le dessin.

Claire Fauvel  : On voulait montrer le côté romantique et le monstre. Que ça donne envie et que ça n’ait pas trop l’air d’une bande dessinée réaliste. On est contents du dessin.

Notre première proposition était plus dure, avec son côté social. Mais l’éditeur nous a dit que ça ne pouvait pas aller, elle était trop sombre. Il faut qu’elle attire le lecteur sans trop raconter.

Comment avez-vous fait pour gérer à deux vos plannings ?

Thomas Gilbert : J’ai fini Nos corps alchimiques en octobre 2020. Mais avec tout ce qui se passait, la sortie a été repoussée. Je commence un récit quand je finis le précédent. Le recherche d’idées reste dans des cases de ma tête et mûrit. Quand je commence la couleur, je peux commencer à y réfléchir plus profondément.

Claire Fauvel : Quand je finis un projet, j’ai toujours le suivant en tête. Ainsi ça me laisse un ou deux ans pour le développer. En général, on a toujours un coup d’avance tous les deux.

Est-ce que certains moments ont été éprouvants pour vous ?

Thomas Gilbert : C’est tout le temps.

La frustration de ne pas réussir à dire ou dessiner ce que je veux.

Claire Fauvel  : Moi aussi, il y a plein de pages que j’ai refaites.

En plus, c’est dur de travailler à deux, parce qu’on voit ce que l’autre fait.

Travailler à deux permet de trouver une motivation supplémentaire également ?

Claire Fauvel  : Le plus difficile a été de nous raccorder graphiquement. Tant mieux si on ne le sent pas au final. Mais à la fin, on a refait plein de visages, parce qu’on voyait la différence entre le Ian de Claire et celui de Thomas.

Thomas Gilbert : Claire passe beaucoup de temps sur une page, alors que moi, je fais des bouts de pages et je reviens dessus. Ça met autant de temps, mais ce sont deux manières différentes de travailler.

Claire Fauvel  : II fallait être tolérant l’un envers l’autre.

Comment avez-vous fait pour travailler sur Lumière Noire ? Ensemble ou à distance ?

Thomas Gilbert : Il y a eu les deux. Le découpage est un moment très exigeant, tu as besoin d’être seul pour faire les trucs dans ton coin. Pour le dessin ou la couleur, peu importe !

Claire Fauvel  : Comme tout le monde, on était confinés, mais dès qu’on a pu travailler ensemble, on l’a fait.

Est ce que vous pourriez potentiellement retravailler ensemble ?

Claire Fauvel  : On ne peut pas enchaîner. C’est peu probable. On a tellement d’idées en tête, d’autres envies de collaboration. On ne va pas se répéter.

C’était beau une collaboration, une fois, une histoire.

Mais on va aller vers d’autres chemins.

Thomas Gilbert : C’était une vraie expérience narrative, graphique et d’artistes.

Avec qui d’autre aimeriez-vous travailler ?

Claire Fauvel  : Moi tout de suite, je n’ai personne. Il y a plein d’artistes que j’adore mais je ne me vois pas mêler mon travail aux leurs. Je les aime comme lectrice. Je n’ai pas la même relation qu’avec Thomas.

Thomas Gilbert : J’aimerais bien refaire un récit jeunesse avec Thomas Lavachery avec qui j’ai fait Bjorn. Je lui envoie plein d’idées, lui écrira un récit à partir de mes envies. Ça me trotte bien dans la tête de refaire du jeunesse avec un scénariste.

Vous considérez-vous plus comme scénariste ou dessinateur.rice ?

Claire Fauvel  : En tout cas, pour moi, l’un ne va pas sans l’autre.

Thomas Gilbert : Moi je pense que j’aimerais être plus scénariste. Mais au final, je suis peut-être plus dessinateur. J’ai plus de qualités dans le dessin que dans l’écriture. C’est compliqué.

L’idéal est de pouvoir faire les deux avec le même niveau d’exigence.

Quels sont vos deux derniers coups de cœur graphiques ?

Claire Fauvel  : Il s’agit de Marx, le retour dessiné et scénarisé par Iris Pouy d’après la pièce de théâtre de Howard Zinn, un Américain. C’est un pamphlet. Une bande dessinée géniale, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. On imagine Marx de retour dans le monde actuel à New York et qui découvre à quel point le capitalisme est devenu la pensée qui domine le monde. Il est désespéré. C’est historique, très drôle et très bien dessiné.

Thomas Gilbert : C’est L’épopée infernale d’Emilie Plateau. Si tu veux déprimer, c’est très bien. Ça raconte le parcours d’une autrice de bande dessinée. Comme un livre dont on est le héros, on navigue. Soit tu meurs ou au mieux tu fais un fanzine. Mais jamais tu n’auras le Grand Prix d’Angoulême.

Thomas Gilbert : Et un dernier, Papa, maman, fiston de Lucas Méthé. C’est ultra poétique, très beau.

Claire Fauvel  : J’ai aussi aimé Le grand vide de Léa Murawiec.

Le Grand Vide

 

Merci beaucoup Claire Fauvel et Thomas Gilbert pour ce temps que vous avez pris afin de nous parler de ce bel album Lumière noire

CET ENTRETIEN ET SA RETRANSCRIPTION ONT ÉTÉ RÉALISÉS DANS LE CADRE DU LIVE QUI S’EST TENU MERCREDI 10 NOVEMBRE 2021 SUR LA PAGE INSTAGRAM DE YOANN DEBIAIS @LIVRESSEDESBULLES .
SI VOUS VOULEZ EN SAVOIR PLUS, N’HÉSITEZ PAS À REGARDER LE REPLAY DU LIVE.
Article posté le dimanche 16 janvier 2022 par Claire & Yoann

Lumière noire de Claire Fauvel et Thomas Gilbert chez Rue de Sèvres
  • Lumière noire
  • Auteurs : Claire Fauvel et Thomas Gilbert
  • Éditeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 20 €
  • Parution : 27 octobre 2021
  • ISBN : 9782810200436

Résumé de l’éditeur : Ava, chorégraphe reconnue, ironise sur le fait qu’elle vient d’obtenir une bourse pour la création d’un spectacle alors qu’elle a décidé d’arrêter la chorégraphie. Après une ascension fulgurante, Ava est vide de toute inspiration, désabusée, jugeant son art inutile face aux enjeux sociétaux du moment. Son amie Suzanne, lui conseille tout de même de monter ce spectacle et pour lui changer les idées, l’entraîne au gala de fin d’études de l’école de danse contemporaine dans laquelle Ava a été formée. Dès les premiers instants, l’oeil d’Ava est aimanté par Ian, l’un des danseurs, dont la fougue et la passion sur scène, lui rappelle sa propre jeunesse. À la fin du spectacle, Ava le retrouve et sans prendre totalement la mesure de ce qu’elle est en train de faire, lui explique qu’elle travaille sur un nouveau spectacle pour lequel elle aimerait lui proposer le rôle principal. Ava n’ a aucune idée en tête mais juste l’envie de créer une nouvelle façon de danser, basée sur l’improvisation. Les deux commencent à travailler ensemble, à échanger et découvrent qu’ils partagent une certaine vision du monde, des questions sociales et écologiques et bien plus encore …la passion de leur art et une attraction l’un pour l’autre de plus en plus forte. Petit à petit, l’inspiration revient à travers un conte dont le personnage principal n’est pas sans rappeler Ian. Les deux amants s’enferment dans leur bulle créatrice, tout entiers à leur passion. Tandis qu’au dehors, le contexte social s’endurcit, le chaos que vit la société va-t-il finir par transparaître dans leur relation ? La sensibilité de ces deux passionnés les entrainera-t-elle dans les affres de l’autodestruction ?

À propos de l'auteur de cet article

Claire & Yoann

Claire Karius @fillefan2bd & Yoann Debiais @livressedesbulles , instagrameurs passionnés par le travail des auteurs et autrices de bandes dessinées, ont associé leurs forces et leurs compétences, pour vous livrer des entretiens où bonne humeur et sérieux seront les maîtres-mots.

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