Le dernier des dieux

On raconte que le Mal a disparu à jamais des contrées de Cain Anuun. Mais Phillip Kennedy Johnson et Riccardo Federici nous content son retour dans Le Dernier des Dieux, une saga épique parue chez Urban Comics dans la prestigieuse collection du Black Label.

LA COMPLAINTE DU ROI TYR.

Tout commença lorsque Mol Uhltep, le Dieu du Vide, sortit des abîmes pour dévaster le vaste royaume de Cain Anuun.

Créant la pestefleur, un terrible fléau qui transformait les êtres vivants en créatures démoniques, il terrassa les âmes et les cœurs.

Bien vite, la terre des Hommes tomba, suivie de près par celle des Ælves.

Pourtant, alors que tous avaient perdu espoir, surgirent les Traquedieux. Ces six intrépides guerriers, issus des plus grandes nations de Cain Anuun, eurent le courage de gravir le noir escalier d’onyx pour affronter le Dernier des Dieux sur son terrain.

Et sous les coups du plus puissant Traquedieu, le valeureux Tyr, le Dieu du Vide fut vaincu.

Rapidement, l’Histoire devint légende, et finalement se transforma en mythe.

LE DIEU DU VIDE, LE DERNIER DES DIEUX.

Trente ans plus tard, on chante encore les louanges des grands Traquedieux et de celui qui désormais se fait appeler le Roi Tyr.

Tous lui prêtent allégeance : les Hommes de Tyrgolad, les Archénains du royaume Abyssal, les Rivéens du Nord, la Guilde Arcanique du Pinacle et même les Ælviens, gardiens de Cain Anuun.

« Gloire au Roi Tyr, le Traquedieu ! »

Mais lors d’une cérémonie qui aurait dû aboutir à l’affranchissement d’Eyvindr, l’invincible gladiateur, le Roi Tyr s’éclipse mystérieusement. Dans sa tête résonne un sombre message :

« … jusqu’au jour où tu verras tes pêchés prendre chair. »

UN TOME D’INTRODUCTION.

Le tome qui nous intéresse ici se présente comme une entrée en matière.

On découvre les personnages, l’univers, les enjeux ainsi que l’intrigue principale, même si on sent bien que de nombreux éléments sont à venir.

En effet, prévue en quatre tomes, la série Le Dernier des Dieux s’annonce comme un très bon exemple de saga mêlant combats épiques au sein d’un univers de dark fantasy extrêmement riche.

Pourtant, et de manière assez subtile, le scénariste, Phillip Kennedy Johnson prend soin de ne dévoiler son histoire que par bribes, au moyen d’une narration ingénieuse.

L’ART DE L’ANALESPSE.

Le fait est que celui qui a rejoint Simon Spurrier (Coda, Alienated) sur l’adaptation en bande dessinée du légendaire Dark Crystal sait raconter des histoires d’héroïc fantasy.

Avec Le Dernier des Dieux, le principe repose sur une double narration qui permet de suivre des personnages, parfois les mêmes, avec trente années d’écart : juste avant, et bien après la bataille contre le Dieu du Vide.

Ainsi, tout en prenant connaissance de l’intrigue globale, on découvre la psychologie des protagonistes et surtout leur évolution.

Les zones d’ombres sont nombreuses, à dessein, et le lecteur attend avec impatience le moment où les deux trames narratives vont se croiser et dévoiler ce qui a permis le retour du Dernier des Dieux.

Mais ce n’est pas tout…

L’INVENTION D’UN MONDE.

À proprement parler, on ne peut qu’être admiratif devant le travail réalisé par Phillip Kennedy Johnson pour créer un monde aussi vaste que cohérent.

En effet, à la fin de chacun des trois chapitres qui composent l’ouvrage, le scénariste nous fait part de ses talents d’écrivain en présentant, sur plusieurs pages, des chansons traditionnelles des Basseterres de Bohtgolad ou de Radhu Engmahl, d’antiques légendes, de poèmes en cyumriques, traduits par le scribe de Tyrgolad, des partitions même…

A ce propos, il convient de rendre hommage au remarquable travail de traduction réalisé par Maxime Le Dain (c’est lui qui avait œuvré sur les très bons Isola et These Savage Shores). Sans jamais trembler, il jongle avec les noms de lieux et de personnages, allant même jusqu’à traduire un poème vertigineux de 23 quatrains dans lequel décasyllabes et octosyllabes dansent sur des rimes croisées.

De toutes parts, l’effet produit est stupéfiant et témoigne de la volonté de créer un monde vaste dont l’histoire perturbée et l’historiographie fournie permettent de saisir des enjeux qui s’annoncent passionnants.

Les arguments pour nous convaincre des qualités de l’ouvrage sont déjà nombreux et pourtant, tout n’a pas été abordé…

DES DESSINS À COUPER LE SOUFFLE.

Le Dernier des Dieux est une œuvre à ce point complète que le moindre détail est pris au sérieux.

Ainsi, avant même de découvrir la première planche de la bande dessinée, on découvre sur une double page, une carte réalisée par Jared Blando. Ce maître de la cartographie nous transporte immédiatement sur les terres de Cain Anuun.

Et la suite est à la hauteur de l’effet produit.

En effet, un artiste hors du commun, Riccardo Federici, assure la partie graphique du Dernier des Dieux.

Ce dernier a fait ses preuves aux côtés de Jean Dufaux (Murena) en succédant à Paolo Serpieri (Tex) sur la série Saria.

Avec Le Dernier des Dieux, il fait preuve de son incroyable talent au service d’un univers de dark fantasy. Les décors, les visages, les combats, les monstres trouvent sous son crayon une dimension à couper le souffle.

La colorisation de Sunny Gho (Jupiter’s Legacy) et Dean White (Batman Metal) est sompteuse. Elle colle parfaitement à l’ambiance sombre du récit, tout en magnifiant le coup de crayon du maître.

Notons enfin que l’album bénéfice de dimensions exceptionnelles, même pour le Black Label (Wonder Woman Dead Earth, Killer Smile, Harleen). En effet, les éditions Urban Comics ont décidé de publier ce magnifique ouvrage au format franco-belge, ce qui permet de mettre en avant ses magnifiques planches.

En publiant le premier tome du Dernier des Dieux, les éditions Urban Comics sortent des sentiers battus. Cette épopée de dark fantasy subjugue par la richesse de son univers et la qualité exceptionnelle de ses dessins. Si le reste de la saga tient ses promesses, cette œuvre a tout pour devenir un incontournable.

Article posté le dimanche 11 avril 2021 par Victor Benelbaz

Le dernier des Dieux de Phillip Kennedy Johnson et Riccardo Federici (Urban Comics)
  • Le dernier des Dieux – tome 1
  • Auteur : Phillip Kennedy Johnson
  • Dessinateur : Riccardo Federici
  • Coloristes : Sunny Gho, Dean White
  • Traducteur Maxime Le Dain
  • Editeur : Urban Comics
  • Collection : Black Label
  • Prix : 17
  • Parution : 12 mars 2021
  • ISBN : 9791026821519

Résumé de l’éditeur : La légende disait la chute du Dieu du vide. La légende chantait la victoire des Traquedieux. La légende proclamait la libération de Cain Anuun. Mais bien rares sont les légendes à dévoiler toute la vérité.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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