Will Eisner, génie de la bande dessinée américaine

Pour le centième anniversaire de la naissance de Will Eisner, le Festival BD d’Angoulême honore ce génie de la bande dessinée américaine, auteur de The Spirit, New-York Big city, Invisible people, The last knight ou Le complot.

WILL EISNER : MAITRE DU 9e ART

Décédé en 2005 à l’âge de 87 ans, Will Eisner est considéré comme l’un des maîtres du 9e art outre-Atlantique. Il faut souligner que l’auteur américain a beaucoup produit et réalisé de planches et d’albums comme notamment son célèbre The Spirit, justicier qui opère dans les rues malfamées de Central City (on pourra y voir une vraie évocation de New-York).

A partir de 1935, il imagine ses premières histoires et crée un studio de bandes dessinées. C’est dès juin 1940 qu’il publie les récits de son célèbre personnage de Denny Colt alias The Spirit.

Il fait aussi la connaissance d’artistes underground comme Art Spiegelman – auteur de Maus et Grand Prix d’Angoulême en 2011 – ou Robert Crumb – lui aussi Grand Prix d’Angoulême en 2000. Influencé par ses deux artistes, il sera à l’origine des « romans graphiques « , tels Un pacte avec Dieu en 1978, L’appel de l’espace (1980), Big City (de 1985 à 1992) ou encore Le complot – un récit sur le Protocole des sages de Sion – en 2005 (album posthume).

Il donne son nom aux célèbres statuettes qui récompensent les auteurs de bande dessinée : les Eisner Award, créés en 1988 par Dave Olbrich. Nous pouvons citer notamment Alan Moore qui a reçu 24 Eisner dans sa carrière, Chris Ware, Robert Crumb ou Fiona Staples. Des auteurs français ont aussi été récompensés, notamment : Moebius pour Silver surfer ou Jacques Tardi pour C’était la guerre des tranchées.

UNE FORMIDABLE SCENOGRAPHIE

Ce qui frappe le visiteur lorsqu’il entre dans l’exposition Will Eisner, c’est la qualité et le soin apporté à la scénographie mise en scène par l’Atelier Lucie Lom. Il faut souligner que le commissaire d’exposition, Jean-Pierre Mercier est un des très grands spécialistes du monde du 9e art et qu’il a voulu mettre en lumière la magnifique œuvre du maître américain. Ainsi, des caisses énormes sont entreposées les unes sur les autres pour évoquer les buildings de Central City. Dessus ont été peintes de gigantesques illustrations du Spirit. Les planches originales couvrent les murs agrémentés d’ombres mais aussi les fameuses caisses en bois. Un scène de crime est reconstituée au début de la visite.

Vous pouvez vous laisser guider à travers les photos dans le diaporama ci-contre.

Avec l’exposition Kazuo Kamimura, celle sur Will Eisner est incontournable pour les festivaliers !

Article posté le samedi 28 janvier 2017 par Damien Canteau

L'EXPOSITION

Communiqué du Festival

Créateur en 1940 du Spirit, référence indémodable en matière de bande dessinée policière, série à la fois palpitante, ironique et sexy, Eisner est également, trente ans plus tard, le plus éminent initiateur, avec Art Spiegelman, des graphic novels, les romans graphiques qui ont révolutionné la bande dessinée mondiale. Il est ainsi l’exemple presque unique en bande dessinée d’un créateur qui aura connu au cours de sa carrière deux périodes créatives distinctes et aussi fécondes l’une que l’autre.

Né en 1917, fils d’immigrants juifs autrichiens et roumains, le jeune William vit une jeunesse de grande misère dans le quartier new-yorkais de Brooklyn. Partagé entre les rêves artistiques de son père (qui fut peintre de fresques dans les églises de Vienne) et les aspirations à la réussite sociale de sa mère, il se lance très tôt dans l’illustration et la bande dessinée. Son talent et son opiniâtreté lui permettent bientôt d’ouvrir un studio, en compagnie de son associé Jerry Iger. Recrutant des débutants qui ont pour nom Bob Kane (futur créateur de Batman), Jack Kirby (père du Captain America et des Fantastic Four)… l’Eisner & Iger Studio propose aux éditeurs de comic books des séries « clé en main », dont plusieurs (Hawks of the Seas, Sheena Queen of the Jungle) rencontrent un vif succès.

Will Eisner revend pourtant ses parts de l’entreprise en 1940, et se lance dans l’aventure d’une bande hebdomadaire pour les journaux. Il imagine alors une série policière d’un genre nouveau : The Spirit. Justicier masqué, Denny Colt, alias le Spirit, est un jeune détective qui pourchasse les bandits dans les bas-fonds de Central City, ville dans laquelle il est aisé de reconnaître New York. Malfrats patibulaires, pin-ups vénales et dangereuses, Eisner joue de tous les codes du genre hard-boiled, mais s’oriente très vite vers un second degré qui lui permet toutes les audaces visuelles et narratives. Ses références sont O’Henry, Maupassant, mais aussi Orson Welles, Howard Hawks et Fritz Lang. Le succès est grand. Eisner laisse pourtant sa création à ses assistants en 1942 et s’enrôle dans l’armée US pour combattre l’hitlérisme. Il se sert alors de ses talents de graphiste et de narrateur pour créer deux magazines qui vont être plébiscités par les troupes autant que par la hiérarchie militaire. Rendu à la vie civile en 1945, il retrouve son héros et inaugure la meilleure période de la série, un véritable feu d’artifice créatif. Il abandonne pourtant The Spirit en 1952 et, fort de son expérience militaire, fonde American Visuals Corporation, qui se sert du dessin et de la bande dessinée à des fins de communication institutionnelle et publicitaire.

Eisner est redécouvert dans la seconde moitié des années 1960 à travers la réédition des histoires du Spirit. Sollicité par les éditeurs, il orchestre avec brio la ressortie de son héros devenu un classique, mais refuse bientôt de prolonger la série. Conscient des changements intervenus dans le médium, il décide de renouer avec la bande dessinée d’une manière neuve en reprenant à son compte le concept de « roman graphique » : en 1978, il publie A Contract with God, long récit dessiné en noir et blanc, au format d’un roman. L’ambition littéraire est manifeste, et la réception publique et critique enthousiaste. S’ensuivront une quinzaine de graphic novels (dont Big City, Family Affairs, The Name of the Game, Fagin the Jew, The Plot…), qui établissent Eisner comme l’un des grands noms de la bande dessinée de la fin du XXe siècle.

Invité à enseigner la bande dessinée à la School of Visual Arts de New York, Will Eisner en tire deux livres de réflexions (Comics and Sequential Arts, Storytelling and Visual Narrative), qui en font l’un des rares auteurs/théoriciens du domaine.

Fêté et récompensé (il reçoit même plusieurs fois lui-même des Eisner Awards !), il ne cesse de publier et devient une référence pour les professionnels et les fans du monde entier. Il disparaît en 2005, des suites d’une intervention chirurgicale, à l’âge de 88 ans.

Grand Prix du Festival d’Angoulême dès 1975, un an seulement après la naissance de l’événement, Eisner aimait Angoulême, qui le lui rendait bien. Il était normal que, l’année du centenaire de sa naissance, la Cité internationale de la bande dessinée et le Festival unissent leurs efforts pour rendre hommage à l’un des géants de la bande dessinée du XXe siècle. Happy centennial, Mr. Eisner !

RENSEIGNEMENTS COMPLEMENTAIRES

Musée de la bande dessinée 

  • Du 26 janvier au 15 octobre 2017
  • Production : La Cité internationale de la bande déssinée et de l’image en partenariat avec 9eArt+
  • Commissariat d’exposition : Jean-Pierre Mercier et Denis Kitchen
  • Scénographie : Atelier Lucie Lom
  • Coordination : Sébastien Bollut

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir