Potlatch

L’hypermnésie, que se cache-t-il sous ce mot un peu complexe ? Danide et Marcos Prior jouent avec ce mal qui ronge Maximo atteint de ce trouble dans Potlatch aux éditions çà et là.

Jeune barcelonnais, Maximo est atteint d’une forme très rare d’hypermnésie, l’hyperthymésie : il se souvient de tout, tout le temps. Les moindres détails de sa vie reviennent sans cesse dans son esprit, le polluant à tout instant. Comment peut-il vivre l’instant présent s’il est constamment dans le passé ?

Danide et Marcos Prior dévoilent un récit d’une grande force imaginative. Intelligente, drôle parfois délicate pour le lecteur (il se prend d’empathie pour ce pauvre Maximo lorsqu’il galère), leur histoire donne le tourbillon comme si l’on était dans la tête du héros. Les informations, les logos, les publicités ou les détails se multiplient donnant le tournis, faisant de Maximo un être à part, malgré ses tentatives d’aller vers les autres, notamment Claudia dont il tombe amoureux. Passant d’une période de la vie de son personnage principal à une autre sans fil chronologique, ils inventent une forme de narration originale.

D’aspect complexe dans un premier temps, le récit de Danide et Prior happe le lecteur par toutes ses ficelles narratives singulières. Les deux Barcelonais ont ainsi réalisé un album à quatre mains, y compris pour la mise en image. Leurs planches sont sublimes car légèrement rétro dans leur traitement de couleurs. Rond, leur trait convient parfaitement pour restituer l’ambiance de tensions du récit.

  • Potlatch
  • Auteurs : Danide et Marcos Prior
  • Editeur : çà et là
  • Prix : 20€
  • Parution : 21 août 2017
  • IBAN : 9782369902416

Résumé de l’éditeur : Maximo Pérez, un jeune barcelonais, souffre d’hyperthymésie, forme très rare d’hypermnésie. Il se souvient de tous les événements qui ont ponctué sa vie, sans en oublier aucun détail et se remémore en permanence ces souvenirs, à son corps défendant… À l’occasion d’un traquenard organisé par un ancien ami, Maximo rencontre une jeune femme, Claudia, dont il tombe sous le charme. Maximo, qui travaille dans une agence de détectives privés, demande alors à l’un de ses collègues d’espionner Claudia afin de mieux la séduire. Il parvient à ses fins et au cours d’un repas, lui qui vit entouré de souvenirs et de collections en tous genres, est marqué par une déclaration de Claudia : « les choses que tu possèdes finissent par te posséder »… À l’image du cerveau de Maximo, le récit multiplie les va-et-vient entre différentes périodes, sollicitant la sagacité du lecteur qui devra lui-même reconstruire l’intrigue dans l’ordre chronologique. Un ouvrage réalisé à quatre mains, où la bande dessinée devient un véritable jeu narratif et visuel.

Le conflit israélo-palestinien

S’engager à expliquer Le conflit israelo-palestinien en bande dessinée, de façon claire et simple, voilà un défi énorme, relevé avec beaucoup de justesse et de pédagogie par Vladimir Grigorieff et Abdel de Bruxelles.

Après les excellents albums L’univers (Hubert Reeves et Daniel Casanave), Le tatouage (Alfred et Jérôme Pierrat), Le rugby (Olivier Bras et Guillaume Bouzard) ou Les situationnistes (Christophe Bourseiller et Jake Raynal), la Petite bédéthèque des savoirs s’enrichit de cet opus, vraisemblablement l’un des meilleurs de la collection. Comme pour Sociorama (Les nouvelles de la jungle de Calais, de Lisa Mandel et Yasmine Bouagga, Casterman), elle réunit un auteur de bande dessiné et un « spécialiste » du sujet.

Pour ce petit ouvrage (14*19 cm) mais de 104 pages, c’est Vladimir Grigorieff qui met son savoir au service du récit. Décédé le 15 août dernier, ce poète, philosophe et pacifiste (licencié en philologie et en histoire orientale et slave) connaît bien son sujet. Le scénariste ne veut en aucun cas jeter la pierre sur les uns ou sur les autres, le lecteur étant libre d’interpréter les propos de l’album comme il le souhaite. Sans s’ériger en donneur de leçons, le philosophe permet à tout à chacun de s’approprier l’histoire de ce conflit datant d’après la Seconde Guerre Mondiale.

Donnant une vision très juste de l’Histoire d’Israël – il la débute dès l’Empire Ottoman (1516-1917) – il égrène ainsi toutes les périodes charnières avant les premiers heurts violents. Ensuite, le mandat britannique (1920-1948), la création de l’État d’Israël en 1948, la Guerre du Kippour, les Accords d’Oslo en 1993 ou encore les deux Intifadas. Pour renforcer l’album, il pose des questions au fil des pages autour de la morale de cette création, pourquoi le monde entier est attiré par ce conflit, la qualification du colonialisme des territoires occupés (peut on parler d’apartheid), la violence est-elle contre-productive ou la notion de sionisme. Afin de ne pas perdre le lecteur, quatre pages de glossaire sont adossées à l’album.

Pour accompagner Vladimir Grigorieff dans son excellent projet, la partie graphique a été confiée à Abdel de Bruxelles. Co-fondateur de Cultures Maison (festival des BD contemporaines dans la capitale belge), il met son talent au service de l’album. Pour réaliser ses planches, il alterne deux styles différents, un réaliste pour les pages historiques et un plus rond naïf pour les pages de questionnements.

Conflit délicat à expliquer même pour les protagonistes, voire les spécialistes en Histoire, il est mis en image de façon extrêmement pédagogue et d’une rare justesse dans ce que nous avons pu lire jusqu’à présent sur cette période. A laisser entre toutes les mains (y compris celles de lycéens) !

  • Le conflit israélo-palestinien
  • Scénariste : Vladimir Grigorieff
  • Dessinateur : Abdel de Bruxelles
  • Editeur : Le Lombard, La petite bédéthèque des savoirs
  • Prix : 10€
  • Parution : 19 mai 2017
  • IBAN : 9782803637386

Résumé de l’éditeur : Le peuple judéo-israélien a réussi la restauration de son indépendance nationale qui met fin à deux mille ans d’exil, d’impuissance et à l’inimaginable Shoah (catastrophe en hébreu). Le peuple palestinien, autochtone, est entré dès le début en résistance devant la menace du sionisme politique. La Nakba (catastrophe en arabe) scella son destin et l’impossible retour en ses foyers. L’Histoire, toujours imprévisible et pour l’heure inachevée, prendra-t-elle enfin la voie de compromis raisonnables ? Cette bande dessinée met en lumière toute la complexité de la question.

 

Tokyo, amour et libertés

Les éditions Glénat dévoilent Tokyo, amour et libertés, un étonnant manga de Kan Takahama dans le monde du charme et de l’industrie du sexe à Tokyo dans les années 20.

Tokyo, années 20. Editeurs de magazines pornographiques, Yoshimune Miyake et Eiijiro Aoki  arpentent le quartier très chaud du Golden Gai à Shinjuku dans le but de trouver de belles femmes qui pourraient illustrer leur future publication. Ils trouvent çà et là des prostituées qui « feraient l’affaire ».

En cherchant, ils découvrent tout un Tokyo libéré de ses chaînes, où le sexe et l’argent sont roi et où le plaisir se dévoile sous toutes ses formes…

Avec Tokyo, amours et libertés, Kan Takahama plonge le lecteur dans un Japon loin des cartes postales qui entre dans une nouvelle ère (Shôwa : 1926-1989), celle plus occidentale du pays du soleil levant. Ainsi, ce seinen one-shot est intéressant à plusieurs titres : historiquement , sociologiquement et au niveau de la recherche des libertés.

L’auteur de Les jardins de Yotsuya dépeint avec justesse – notamment par une solide documentation – ces milieux interlopes courus par les célibataires mais aussi les jeunes cadres ou employés voulant passer de bons moments en charmante compagnie.

Eiijiro, le plus jeune des deux rédacteurs, tombe amoureux d’une femme d’origine espagnole. Etonnant à l’époque (le Japon n’aime pas les métissages, encore aujourd’hui d’ailleurs), préférant les mariages arrangés qui permettent de poursuivre les « lignées » chez les bourgeois ou aristocrates. En choisissant cette femme, il contrevient avec force à ces méthodes traditionnelles encore très ancrées à l’époque.

Tokyo, amour et libertés n’est pas à mettre entre toutes les mains ! Les scènes de sexe ne sont pas que suggérées, faisant de ce titre, un manga à la limite de la pornographie, flirtant avec la vulgarité. La mangaka ne cache rien, même si cela est contrebalancé par l’idylle naissante entre les deux jeunes tokyoïtes et les moments festifs.

En mettant en scène les marginaux et les prostituées, Kan Takahama (Le goût d’Emma) leur rend un bel hommage, tels les mangas dans la veine des ero-guros. Il sous-entend ainsi la place de la femme dans cette société très conservatrice du début du XXe siècle (un sujet encore important aujourd’hui). L’humour émaille cet album, ce qui lui confère aussi quelque chose de touchant.

  • Tokyo, amour et libertés
  • Auteur : Kan Takahama
  • Editeur : Glénat
  • Parution : 20 septembre 2017
  • Prix : 10.75€
  • ISBN : 9782344022610

Résumé de l’éditeur : Une histoire d’amour dans le Tokyo d’avant-guerre… Tokyo, 1926. Shinjuku est connu pour son quartier des plaisirs, Hanazono. Ishin, journaliste pour une revue érotique y rencontre Aki, une jeune métisse qui exerce le métier de modèle artistique. Dans une société aux moeurs libérées, leur relation sera pourtant empreinte d’une grande innocence. Cependant, l’ombre de la guerre vient menacer leur idylle… S’inspirant de l’histoire de ses aïeuls, Kan Takahama nous livre un beau récit où s’entremêlent un érotisme subtil et une sensibilité que nous lui connaissons déjà grâce au Dernier Envol du papillon.

 

Le collège noir, tome 2

On ne cesse de le répéter, Ulysse Malassagne est un de nos auteurs préférés chez Comixtrip ! Pétri de talent, excellent narrateur et formidable dessinateur, il le prouve de nouveau avec le deuxième volet de sa série Le collège noir, dont le premier tome nous avait enchanté !

Le livre de la pierre est dans la même veine que Le livre de la lune : action et fantastique se mêlent avec beaucoup d’adresse et de justesse. Comme pour le premier volet de cette excellente saga jeunesse, l’auteur de Kairos, compose son album en 12 épisodes (ils sont prépubliés dans le magazine Géo Ado, d’où le tempo qui ressemble aux comics).

Rien ne va plus chez les adolescents du Collège depuis la mort de leur copain Jonas. Les phénomènes surnaturels se sont multipliés et ils ont même découvert les ténèbres dans les entrailles de la vieille bâtisse. Léna, l’animatrice, disparaît et les élèves se mettent en quête de la retrouver. Porte qui parle, taupe géante, sol qui se dérobe, blaireau en robe de chambre ou vers tueurs, tout les ingrédients sont réunis pour faire frissonner le jeune lecteur. Actions en chaîne et humour s’entremêlent pour donner de l’épaisseur au récit. Le trait d’Ulysse Malassagne est toujours aussi percutant et en mouvement.

Le collège noir : très belle série fantastique jeunesse qui mérite que l’on y jette un œil !

  • Le collège noir, tome 2 : Le livre de la pierre
  • Auteur : Ulysse Malassagne
  • Editeur : Grafiteen
  • Prix : 13.90€
  • Parution : 06 septembre 2017
  • IBAN : 9782745994844

Résumé de l’éditeur : Depuis la mort de leur ami Jonas, Ulysse et ses camarades ont découvert les ténèbres qui entouraient leur collège… Après une longue bataille contre la sorcière des bois, les élèves et leur surveillante Léna finissent par la tuer. Malheureusement, les enfants ne sont pas au bout de leurs peines : les ténèbres n’ont pas dit leur dernier mot… La bataille fait rage au Collège Noir ! Même après la défaite de la sorcière, les enfants ne sont pas tranquilles… Surtout lorsque Léna disparaît dans les profondeurs des souterrains ! Les cinq ados se lancent à sa recherche, et font en chemin des rencontres inquiétantes : une taupe au nez étoilé de 4 mètres de haut, un blaireau producteur d’eau de vie, un lézard carnivore aveugle… Il faudra redoubler d’attention pour ne pas tomber entre les pattes de démons et autres créatures menaçantes ! Ulysse Malassagne, auteur de la série «Kairos », nous plonge ici dans un univers sombre et fantastique. On retrouve dans ses planches quelque chose de Tim Burton ou de Joseph Delaney dans « L’épouvanteur ». Chaque épisode raconte une nouvelle nuit, une nouvelle aventure, et une nouvelle rencontre avec un incroyable bestiaire. Difficile de ne pas s’attacher à ces héros isolés et en proie à des forces qui les dépassent.

Omae wa hitsuji

Etudiant sans logement depuis que son appartement a brûlé, Yuya va être accueilli chez son professeur d’université avec en prime un étrange deal. Taïfu comics dévoile Omae wa hitsuji, un bon yaoi de Bosco Takasaki.

A quoi peut bien jouer Tsukasa, le professeur de fac ? Il propose le gîte et le couvert à Yuya dont l’appartement est partie en flammes après un terrible incendie. L’étudiant devra passer toutes ses nuits dans le même lit que son professeur, sans autre contrepartie. L’homme tombe amoureux de son élève alors que ce n’est pour l’instant pas réciproque…

Le récit de Bosco Takasaki repose donc sur cet étrange deal. Ce contrat serait-il immoral ? Dans les mangas, y compris les yaoi, tout est possible, l’ouverture d’esprit des lecteurs peut souvent tout accepter. Yuya est un garçon aux traits physiques très féminins tandis que Tsukasa est un homme viril et plutôt directif. C’est cette opposition qui met du piment dans l’histoire et crée des étincelles. Repousser les avances de son professeur, cela n’est pas très simple pour l’étudiant. S’apprivoiser, laisser faire le temps et tomber amoureux, un enchaînement très simple et classique pour ce style de récit.

Si cela ne révolutionne pas le yaoi (malgré le pacte étrange entre les deux protagonistes), le lecteur passe néanmoins un bon moment. Le trait de la mangaka est d’une belle efficacité, faisant la part belle aux personnages et plus particulièrement leurs cadrages en buste.

  • Omae wa hitsuji
  • Autrice : Bosco Takasaki
  • Editer : Taifu Comics
  • Prix : 8.99€
  • Parution : 24 août 2017
  • IBAN : 9782375060612

Résumé de l’éditeur : Le jour où son appartement part en flamme, Sahara se demande réellement pourquoi la malchance s’abat sur lui. Heureusement, un ami de son université lui propose de l’héberger le temps qu’il trouve une solution. Seulement, quand Masaki, le grand frère de son ami, rentre et découvre Sahara chez lui, celui-ci le prend pour une personne suspecte. Le malentendu dissipé, Masaki propose à Sahara de travailler pour lui. Mais ce dernier, ne se doute pas du travail qu’il devra effectuer. La malchance s’abattrait-elle une nouvelle fois sur lui ?

Lemmings, tome 1

Sélectionné pour le Grand Prix des lecteurs du Journal de Mickey 2017, Lemmings est la nouvelle série jeunesse de Crisse et Fred Besson aux éditions Kennes.

Didier Crisse (Kokabura, Atalante, Perdita Queen ou L’épée de cristal) revient à ses premières amours avec le premier volet de Lemmings, à savoir l’heroïc fantasy qui a fait sa réputation d’excellent conteur. Et si quatre de ces petits rongeurs devenaient de vrais guerriers, bravant les obstacles à la recherche d’objets des Hommes ?

L’aurore boréale noire met en scène un clan de Lemmings en proie à un grand danger. Après une petite tergiversation, quatre d’entre eux partent à l’aventure. Petits animaux gentils et pacifiques, ils rencontrent d’autres espèces qui les guident vers leur but. Le récit se transforme ainsi en une très belle quête initiatique, idéale pour le jeune lectorat. Pas de grande révolution dans la narration, c’est simple mais efficace. Le dessin numérique de Fred Besson (Kalimbo, Soleil avec le même scénariste) tout en rondeur est chaleureux. Son découpage et ses couleurs participent de l’esprit aventurier de la série.

  • Lemmings, tome : L’aurore boréale noire
  • Scénariste : Crisse
  • Dessinateur : Fred Besson
  • Editeur : Kennes
  • Prix : 14.95€
  • Parution : 06 septembre 2017
  • IBAN : 9782875804266

Résumé de l’éditeur :  Tout semble calme dans le petit village viking emmitouflé sous la neige. Mais pourtant les nouvelles rapportées par un drakkar de retour de haute mer ne sont pas bonnes. Les marins ont vu le ciel s’obscurcir et s’y dessiner une aurore boréale noire, présage de grands malheurs. Un peu à l’écart, vivant cachés, un petit peuple de rongeurs s’agite: les lemmings! L’un d’entre eux, Oluf, a eu des visions: les vikings, aux dépens desquels ils assurent leur confort en leur volant quantité de petites choses, vont entrer en guerre avec les trolls descendus des montagnes. Pour les repousser, les vikings ne disposent plus que d’une seule pierre sacrée, apte à les transformer en rochers. Mais encore faudrait-il qu’ils puissent remettre la main dessus! L’harmonie semble rompue entre le monde des humains et le mini-monde des lemmings…

Shelter market

Etat d’urgence permanent, hyper connexion et hyper consommation sont au cœur de Shelter market, un formidable album de Chantal Montellier.

Paru une première fois aux Humanoïdes Associés au début des années 80, Shelter market est réédité par Les Impressions Nouvelles. Comme Chantal Montellier le souligne dans la préface de l’album : « Pourquoi cette nouvelle version de Shelter ? Parce que, relisant cette histoire, je l’ai trouvée plus actuelle que jamais. J’ai donc eu envie de donner une seconde chance à cette œuvre, qui ne me semblait pas suffisamment aboutie. Trente pages de plus, une nouvelle fin, une mise en couleur, un nouveau lettrage, des dessins que je crois bien meilleurs, font de cet album beaucoup plus qu’une nouvelle édition : une véritable re-création. »

En effet, Shelter market est un album véritablement moderne et qui colle parfaitement à notre actualité : consommation à outrance, publicité envahissante, hyper communication des hommes politiques, hyper sécurisation du pays (plus de policiers, plus de caméras de surveillance…) ou relations entre femmes et hommes en mutation.

Récit pessimiste sur le futur de nos sociétés, Shelter market est un excellent album de l’autrice de Tchernobyl mon amour (Actes Sud). C’est fort, c’est percutant et ça ne laisse pas le lecteur insensible en fermant le livre et se posant de nombreuses questions. De nouveau, une bande dessinée engagée et militante pour la fondatrice du Prix Artémisia (pour la reconnaissance du travail de bande dessinée).

  • Shelter market
  • Autrice : Chantal Montellier
  • Editeur : Les Impressions nouvelles
  • Prix : 20€
  • Parution : 24 août 2017
  • IBAN : 9782874495410

Résumé de l’éditeur : Un bombardement nucléaire vient d’avoir lieu. Les lourdes portes blindées du centre commercial Shelter Market se sont refermées sur ses centaines de clients… Très vite, la direction du centre met en marche le plan de survie, avec l’aide des nombreux vigiles présents sur les lieux. On assure aux clients qu’ils peuvent s’estimer heureux de leur sort : ils seront abrités et nourris gratuitement jusqu’à ce que la vie redevienne possible à l’extérieur. La clientèle est désormais captive et se doit donc de garder le sourire en toutes circonstances… Mais, face aux abus de pouvoir et autres dérives fascisantes, quelques personnes finissent par réagir… Un doute commence à s’insinuer quant à la réalité de l’explosion atomique. Et si tout cela n’était qu’une manipulation de plus ?

Poum a une idée

Changer d’école pour une petite fille très libre n’est jamais simple. Devant se plier aux règles, elle commence à discuter avec ses nouveaux camarades et tentent de leur faire prendre conscience que sans règles on peut bien vivre ensemble. Richard Marazano, Angélique Cesano et Benjamin Basso dévoilent Poum a une idée, un livre jeunesse autour du thème de l’anarchie.

A peine arrivée dans sa nouvelle école, Poum est accostée par trois enfants qui lui disent que si elle veut être acceptée – sous entendu devenir leur amie – elle devra se plier aux règles, obéir à l’autorité du chef de bande, celui qui est le plus fort. Mais, Poum ne veut pas de ce système, elle préfère être libre. Elle tente alors de les faire changer d’avis…

Notion abstraite pour les plus jeunes, l’anarchie – l’absence de règles, d’autorité – est parfaitement abordée dans Poum a une idée. En partant d’une situation simple (la cour de récréation dans une école) à laquelle les enfants pourront s’identifier, Richard Marazano arrive assez bien à appréhender ce concept.

« Tous égaux mais tous différents… Tous libres en participant… quand même il fallait oser », dira l’ancien chef de bande. Parce que oui, il faut oser pour changer y compris les mentalités. Des règles dans nos sociétés, il y en a partout, toujours, tout le temps et ce dès le plus jeune âge, dès la crèche. Alors un album qui parle de les casser, ce n’est pas si souvent !

L’auteur de Yin et le dragon (avec Xu Yao) et Les trois fantômes de Tesla (avec Guilhem Bec) a été séduit par le projet de Angélique Césano pour le mettre en forme. Accompagnée au dessin par Benjamin Basso, l’autrice dévoile de très belles planches avec de grandes vignettes sans cadre, idéales pour les plus jeunes.

Poum a une idée : une belle initiative sur un thème pas évident à aborder avec les plus petits. Cet album aurait pu entrer dans notre Top 10 des BD sur l’anarchisme.

  • Poum a une idée
  • Scénariste : Richard Marazano
  • Dessinateurs : Angélique Césano et Benjamin Basso
  • Editeur : Eidola
  • Prix : 10€
  • Parution : juin 2017
  • IBAN : 9791090093188

Résumé de l’éditeur : Poum a changé d’école et doit se faire de nouveaux amis ; mais des groupes sont déjà constitués et des rapports de force se sont établis qui, dans la cour d’école comme partout ailleurs, se transforment parfois en rapports asymétriques de soumission au groupe ou au plus fort. Mais Poum a toujours des idées… Car Poum est une petite anarchiste qui espère des relations de camaraderie égalitaires.

Le jour où elle a pris son envol

Après un premier volume (Le jour où le bus est reparti sans elle) qui nous avait laissé un goût très agréable à la lecture, les Beka et Marko proposent la suite du cheminement de Clémentine dans Le jour où elle a pris son envol.

Clémentine est heureuse dans sa vie, enfin elle a trouvé un semblant de sérénité depuis sa rencontre avec Antoine. Elle prend enfin du temps pour elle, pour vivre et goûte à tous les petits plaisirs de la vie. En deux ans, elle a effectué un cheminement très important. Elle stresse moins dans son travail et dans sa vie en général, elle relativise.

Alors que son couple avec Damien semblait être sur de bons rails, elle décide de le mettre dehors. Aurait-elle enfin trouvé l’apaisement ?

Comme pour le précédent ouvrage, les Beka imaginent une histoire positive, très optimiste et d’une grande douceur. Malgré encore quelques obstacles dans sa vie, Clémentine va de mieux en mieux, elle revit, comme le lecteur lorsqu’il referme l’album ; il se sent apaisé. Parce que oui, Le jour où elle a pris son envol, est une très belle parenthèse dans toutes les lectures que l’on a effectué ces derniers temps. Le duo de scénariste semblent avoir trouvé la bonne formule pour faire passer un bon moment à ses lecteurs.

Fondée sur des anecdotes, des lectures, des rencontres, ou des situations rencontrés par eux-même ou des proches, l’histoire est simple dans sa narration mais complexe dans son propos et ses thématiques.

Pour les accompagner, Marko livre des planches tout en rondeur, très agréables à l’oeil, agrémentées par la belle mise en couleur de Maëla Cosson.

 

  • Le jour où elle a pris son envol
  • Scénaristes : Beka
  • Dessinateur : Marko
  • Coloriste : Maëla Cosson
  • Editeur : Bamboo
  • Prix : 15.90€
  • Parution : 23 août 2017
  • IBAN : 9782818941638

Résumé de l’éditeur :  Depuis sa rencontre avec Antoine, le sage-épicier, Clémentine a changé pas mal de choses dans sa vie. Mais elle n’a toujours pas trouvé ce qu’elle cherchait : le bonheur et l’apaisement. Quand elle retourne à l’épicerie, Antoine n’est plus là. Simon, un physicien apiculteur a pris sa place. Grâce à lui, Clémentine va entrevoir tous les chemins de vie possibles qui s’offrent à elle. Mais comment faire pour trouver le bon ? Pour le savoir une seule solution… Essayer !

Paroles d’honneur

L’autrice Leïla Slimani rencontre Nour au Maroc. La jeune femme lui raconte sa vie de célibataire dans une société encore très patriarcale et qui se ferme de plus en plus aux libertés individuelles. Adaptée de Sexe et mensonge, Paroles d’honneur est mis en image par Laetitia Coryn.

Au printemps 2015, Leïla Slimani se rend au Maroc, son pays natal, pour un cycle de conférences autour de son best seller Dans le jardin de l’ogre, un roman cru qui abordait la thématique de l’addiction sexuelle. Entre enthousiasme et rejet, l’autrice ne baisse pourtant pas les bras et continue son combat incessant pour la reconnaissance des droits des femmes au royaume chérifien.

Alors qu’elle attend sa prochaine rencontre avec le public, Leïla Slimani se prélasse dans le hall de l’hôtel où se tient les conférences. Elle est abordée par Nour, une marocaine célibataire et très libre. Une conversation s’engage entre les deux femmes sur les conditions de vie des habitantes du pays à travers l’histoire de Nour…

Multi-récompensé, Dans le jardin de l’ogre permit au grand public de faire connaître Leïla Slimani, une très grande autrice franco-marocaine. Elle poursuit sa carrière par la publication de Sexe et mensonges puis Chanson douce (Prix Goncourt en 2016), ce qui lui vaut la reconnaissance des lecteurs mais aussi de la critique tant ses romans sont d’une excellente qualité narrative.

Avec Sexe et mensonges, son nouveau récit, elle a décidé de franchir le pas de la bande dessinée. Pour construire son projet Paroles d’honneur, elle a fait appel à Leatitia Coryn, autrice de Sex Story (avec Philippe Brenot). Pour cela, elle décide de raconter sa rencontre avec Nour, jeune marocaine qui tente de s’extraire des diktats de la morale de son pays, de celui de son père et parfois de sa famille. Encore célibataire à son âge – cela est mal vu au Maroc – elle a du mal avec la notion de mariage et plus particulièrement de «vierge avant le mariage». En effet, les hommes font l’amour avec des femmes, préfèrent encore ne pas se marier avec elle mais plutôt avec une jeune fille vierge. Paradoxal !

Si les thématiques sont très actuelles, très fortes – un vrai combat de toutes les femmes du monde pour plus de libertés – le récit repose sur des ressorts très classiques (aller-retour entre le dialogue et le passé de Nour). Dommage, on aurait aimé un peu d’originalité. Il faut souligner que c’est la première incursion de Leïla Slimani dans le monde du 9e art et qu’elle n’en possède pas encore tous les codes. Cela reste néanmoins un bel album qui permet de passer un moment de lecture agréable qui permet de l’empathie et du soutien pour ces femmes. Leatitia Coryn livre de belles planches, sobres et équilibrées ; là encore sans grande révolution graphique.

  • Paroles d’honneur
  • Scénariste : Leïla Slimani
  • Dessinatrice : Laetitia Coryn
  • Editeur : Les Arènes
  • Prix : 20€
  • Parution : 06 septembre 2017
  • IBAN : 9782352046547

Résumé de l’éditeur : Suite à la parution de son livre Dans le jardin de l’ogre, un roman cru et audacieux qui aborde la thématique de l’addiction sexuelle, Leila Slimani part à la rencontre de ses lectrices marocaines. Face à cette écrivaine franco maghrébine décomplexée qui aborde la sexualité sans tabou, la parole se libère. À travers cette BD, il s’agit de faire entendre la réalité complexe d’un pays où l’islam est religion d’État. Et où le droit des femmes passera, avant tout, par la défense de leurs droits sexuels.

 

J’veux pas vieillir

Après Je veux le prince charmant et Je veux encore le prince charmant, Hélène Bruller est de retour avec J’veux pas vieillir, un bel album humoristique aux éditions Hugo Desinge.

Proche de la cinquantaine, Hélène ouvre enfin les yeux : sa jeunesse est derrière elle. Tout la renvoie à cet état de fait : ses enfants, ses amis, ses parents et même sa mémoire. Finis les rencards et les sorties tardives, la célibataire ne tient plus le choc. Même son corps la trahit, le haut comme le bas. Se sentir vieillir ne fait jamais plaisir mais c’est le lot de tous les humains. Cela est encore plus prégnant pour une femme. Notre société contemporaine la renvoie toujours à cela (produits cosmétiques, véhicules, produits alimentaires, coachs sportifs…). L’on accepte plus facilement la calvitie, le ventre ou les cheveux blancs d’une homme que le physique vieillissant d’une femme (comme le démontre le livre de Sophie Fontanel, Une apparition) ; à tord !

Diplômée des Arts Déco à Paris, Hélène Bruller (Le guide du zizi sexuel avec Zep) fait rire par ses gags sur quelques planches et non pas uniquement les lecteurs qui seraient dans sa tranche d’âge. Dans les pas de Claire Bretécher, elle livre des petites séquences (qui lui sont arrivées ou non) avec beaucoup d’humour et une dose d’auto-dérision – et il faut en avoir énormément pour livrer un tel album – et c’est ce qui plait.

  • J’veux pas vieillir
  • Autrice : Hélène Bruller
  • Editeur : Hugo Desinge
  • Prix : 15€
  • Parution : 07 septembre 2017
  • IBAN : 9782755633788

Résumé de l’éditeur : Hélène Bruller parle avec grand talent du monde dans lequel elle vit, comme l’avait fait avant elle Claire Brétécher. Avec Je veux le Prince Charmant, Hélène cherchait l’homme parfait, évidemment introuvable. Avec Hélène Bruller est une vraie salope, elle se posait de sérieuse questions sur la sexualité et la fidélité des filles. Et avec Larguées, elle ricanait avec deux autres copines des affres de la séparation, du divorce et de la lâcheté des mecs. Aujourd’hui, c’est J’veux pas vieillir. Hélène a 47 ans, c’est la fin des illusions, de la jeunesse qu’on croit éternelle, le début d’un autre monde qu’on soupçonne terrible à vivre. Comment vivre ce passage vers l’inconnu, l’âge mur ? En petites séquences de 1 à 4 pages, Hélène nous donne le meilleur de son humour et nous fait rire des petits et des gros tracas du quotidien quand on sent le poids du temps nous grignoter inéluctablement…

Emilie voit quelqu’un, tome 2

Après un premier volume qui nous avait beaucoup plu, Théa Rojzman et Anne Rouquette dévoilent Psy à psy l’oiseau fait son nid, le tome 2 de Emilie voit quelqu’un.

Dans le précédent volume, la vie d’Emilie n’était pas simple : jeune femme proche de la trentaine, professeur des écoles et au look étrange de Mary Poppins (son surnom qu’elle déteste). Son travail lui pèse et ses élèves, elle les supporte de moins en moins. A la maison, ce n’est pas mieux, Romain, son ami, est un éternel adolescent, qui passe son temps devant la télé ou les jeux vidéos. Leur couple bat de l’aile car ils n’arrivent plus à communiquer. Ajouter à cela, Thérèse, sa grande sœur, pharmacien et à qui tout réussi ; des parents qui lui en font la remarque tout le temps. C’est l’escalade vers la grosse déprime. Son collègue, accro aux nouvelles technologies et aux applications médicales lui suggère de se faire suivre par un psy. Il en connaît une : Madame Soulac, une psychanalyste de 80 ans aux méthodes singulières.

Dans le tome 2, le lecteur retrouve Emilie. Finie la tenue de Mary Poppins, elle semblerait aller mieux. Toujours en analyse psychologique chez Madame Soulac, elle a décidé de sourire à la vie. L’heure de la rentrée a sonné, elle est plus zen, plus ouverte avec ses élèves. Elle prône plus de liberté dans sa classe, plus de dialogue.

Chez elle aussi, il y a du changement : nouvelle déco et plus de folie avec ses deux amies. Elle s’inscrit même sur un site de rencontre…

Et si la thérapie sur Emilie fonctionnait ? C’est le cœur de ce nouvel opus de Emilie voit quelqu’un, un album rafraichissant et drôle. Cette belle suite signée Théa Rojzman est toujours aussi sympathique, accrocheuse et attendrissante. Le lecteur s’identifie facilement à la jeune héroïne (femme ou non) tant les questions, les doutes et les névroses peuvent ressembler à celles que nous pouvons avoir. Formée à la thérapie sociale, la scénariste sait de quoi elle parle. Comme pour le premier volume, elle met en scène la vie d’Emilie, véritable tourbillon d’énergie. Pour accompagner son histoire, elle fait des focus sur les grands concepts psychanalytiques à travers le personnage de Mickaël, le collègue hyper connecté de la jeune femme (sur des doubles pages).

Le trait d’Anne Rouquette est très coloré, d’une belle lisibilité, qui apporte lui aussi sont lot d’humour. Un petit album frais et rigolo pour déconstruire les mythes de la psychanalyse et la dédramatiser. Une belle réussite !

  • Emilie voit quelqu’un, volume 2 : Psy à psy, l’oiseau fait son nid
  • Scénariste : Théa Rojzman
  • Dessinatrice : Anne Rouquette
  • Editeur : Fluide Glacial
  • Prix : 16€
  • Parution : 23 août 2017
  • IBAN : 9782352077794

Résumé de l’éditeur : Après un tome 1 plébiscité par la presse, Émilie s’est reprise en main ! Elle est enfin prête à aller de l’avant et décide de mettre un terme à sa thérapie. Pourquoi en aurait-elle encore besoin, vu que tout va si bien ? Enfin, c’est ce qu’elle croit ! Elle apprendra dans ce second volet, grâce à la thérapie, à se poser les bonnes questions et peut-être trouver ce bonheur qu’elle désire tant !