Kushi, tome 4 : La fille du vent

Clap de fin sur la très belle série de Patrick Marty et Golo Zhao, Kushi. La fille du vent – quatrième volume – clôt avec habileté cette tétralogie dans les steppes de Mongolie.

Le lecteur retrouve Kushi et Tulik prisonniers dans une cathédrale souterraine. La jeune fille trouve alors un chemin sous l’eau afin de se libérer. Avant de nager, son compagnon prend quelques pierres précieuses et le manteau du prince. Après une remontée de tous les dangers, ils sont aidés par Khulan, la chienne de Kushi.

De son côté, l’infâme Bold pense que la jeune fille est morte. Néanmoins, il veut faire peur à Bayan, sa grand-mère, en venant tout saccager chez elle…

Après un volume 1, un volume 2 et un volume 3 qui nous avaient enchanté, La fille du vent achève le premier cycle (?) de l’histoire de Kushi. Comme pour La Balade de Yaya (avec Jean-Marie Omont et Charlotte Girard), Patrick Marty multiplie les rebondissements et fait monter la pression par un ennemi diabolique dans ce dernier opus. Souffle épique, aventure, magie et fantastique complètent le cœur de cette belle série Jeunesse. Avec la dernière double-page, le scénariste de L’ombre de Shanghai (avec Williams Crépin et Li Lu) se laisse une porte ouverte pour une possible suite.

Comme à son habitude, Golo Zhao met parfaitement en musique ce dernier tome. Après Hello Viviane & Au gré du vent (Pika), Le passeur d’âmes et Le monde de Zhou Zhou, le dessinateur chinois né en 1984 sublime ses planches toujours aussi aériennes et belles à l’œil.

  • Kushi, tome 4/4 : La fille du vent
  • Scénariste : Patrick Marty
  • Dessinateur : Golo Zhao
  • Editeur : Fei
  • Prix : 9.50€
  • Parution : 26 janvier 2018
  • ISBN : 9782359662375

Résumé de l’éditeur : Kushi n’a pas l’intention de rester prisonnière de ce château pétrifié sous la terre à cause de la sauvagerie de Bold. Elle l’a juré à Tilik, ils reverront le soleil se lever sur la steppe ! La jeune fille va tout mettre en oeuvre pour sortir de ce qui pourrait être leur tombeau, et revenir au village pour dénoncer les agissements criminels du bandit…

 

Magisk magi

Avoir une baguette magique pour rendre sa vie meilleure, voilà une belle opportunité; sauf si on ne sait pas vraiment s’en servir ! Alfred et Régis Lejonc dévoilent Magisk Magi, un album jeunesse aux éditions La Gouttière.

Tout le monde rêve de posséder la Magi Box ! afin d’avoir une baguette magique qui changera son quotidien. Après avoir vu sa publicité à la télévision, une jeune homme décide d’aller en acheter une.

A peine arrivé chez lui, il tente une expérience sur son lapin en peluche. Mega Magi ! Son compagnon se transforme en pieuvre géante…

Petit album d’une cinquantaine de pages, Magisk Magi ! est un sympathique récit d’Alfred. L’auteur du bouleversant Come Prima et de Capitaine Fripouille (avec Olivier Ka) imagine une histoire quasiment muette pour les enfants à partir de 5 ans. Gags visuels et surprises la rythment où l’on ne lit que quelques « Mega Magi » ou « Kyskys ». Idéal pour  les primo ou non-lecteurs, Magisk Magi conviendra aussi aux plus grands.

Le petit personnage principal enchaine les mésaventures et les catastrophes alors qu’il voulait juste améliorer sa vie. Cette belle bande dessinée très drôle d’Alfred (qui a réalisé le logo du chat noir des éditions La Gouttière) bénéficie du talent de Régis Lejonc pour sa partie graphique. Après le merveilleux Kodhja (avec Thomas Scotto) et Qu’ils y restent (avec Pascal Mériaux et Riff Rebs), il réalise de belles planches très colorées (avec du bleu, du rouge et du noir) avec de grandes cases (de 3 à 5 vignettes maximum) idéales pour les plus petits.

Entrez dans le monde magique de Magisk Magi et suivez les aventures rocambolesques du petit homme en noir, vous ne serez pas déçu !

  • Magisk Magi
  • Scénariste : Alfred
  • Dessinateur : Régis Lejonc
  • Editeur : La Gouttière
  • Parution : 19 janvier 2018
  • Prix : 9.70€
  • ISBN : 9791092111675

Résumé de l’éditeur : Ce n’est pas te tout d’avoìr de grands pouvoirs, encore faut-il ne pas se tromper dans la formule magisk !

Monsieur Coucou, l’histoire d’Abel

Notre avis : l’histoire d’Abel est touchante, mais aussi terriblement humaine et incroyablement complexe. Un album à découvrir !

Monsieur Coucou nous raconte l’histoire d’Abel, un homme qui a émigré en France il y a une vingtaine d’années. Parfaitement intégré à la culture occidentale, il va même jusqu’à changer son prénom en Allan, coupant un maximum les ponts avec sa culture de naissance. Sa famille, c’est maintenant celle de sa femme, Prune. La mère de Prune est une mère pour Abel. Alors que celle-ci est atteinte d’un cancer, elle va le pousser à l’aider en cherchant un traitement auprès de sa véritable famille. Par bonté envers elle, Abel accepte et se voit forcé de renouer contact avec une famille qu’il a tenu à l’écart durant ces dernières années.

Abel s’aperçoit bien vite en arrivant que la rancœur est toujours là, et c’est l’occasion de régler des comptes et de s’expliquer. Outre un désir profond de renier la religion et sa culture, Abel va vite se rendre compte que renier sa propre identité n’est pas si aisé qu’on le croit. Entre remise en question, besoin d’appartenance et retrouvailles forcées, la vie d’Abel semble tout à coup bien plus mouvementée…

Joseph Safieddine (L’Enragé du Ciel, Yallah Bye) et Kyung Eun Park (Moi en Mieux, Haytham) nous offrent aux éditions Le Lombard cet album beau et émouvant.

  • Monsieur Coucou
  • Scénariste : Joseph Safieddine
  • Dessinateur : Kyunguen Park
  • Editeur : Le Lombard
  • Parution : 9 février 2018
  • Prix : 17,95 €
  • ISBN : 9782803636761

Résumé de l’éditeur :
Abel est un émigré. Comme tant d’autres, il a dû fuir sa terre natale à cause de la guerre. Exilé en France, il a fait son nid dans la famille de sa femme et tiré un trait sur ses racines. Mais un jour il doit retourner sur cette terre dont il s’est senti rejeté. Comment gérer le retour au pays, après des décennies d’absence, quand on a été contraint de renier ses origines pour continuer à vivre ? Entre appartenance et identité brisée, Abel va tenter de se retrouver.

Flic & Fun

Roland et son coéquipier sont deux drôles de policiers. Pas vraiment faits pour ce job, ils cumulent les approximations et les maladresses dans Flic & Fun, un album barré de Jorge Bernstein et Pluttark.

Après une campagne de recrutement dans la Police Nationale, Roland et son pote se présentent au poste pour faire acte de candidature. Après un entretien pour travailler dans un parc d’attraction, les voilà embauchés comme policiers. Le début de la belle vie ? Pas vraiment ! Ils enchainent bourdes et se prennent les pieds dans d’étonnants quiproquos.

De deux lycéens qui révisent et qu’ils prennent pour des dealers aux aveux d’un meurtrier, en passant par le suicide d’un jeune homme, à la formation sur le code pénal, au braquage d’un banque ou une dispute conjugale, tout y passe et c’est très drôle !

Ils avaient déjà sévi avec Fastfoode, Pluttark et Jorge Bernstein sont de retour avec Flic & Fun. Finis les repas immondes et les employés d’un fast food, bonjour la vie de flics !

Roland et son comparse (on ne connait pas son prénom) sont deux losers comme on n’en fait plus. Plus proches de l’Inspecteur La bavure (Coluche dans le film de Claude Zidi) que des Experts Miami, ils se mettent toujours dans de drôles de situations. Pas du tout fait pour ce métier, le petit gros à moustache et le grand fin à casquette sont parfois proches du duo Laurel et Hardy (quoique !), ils font rire à leurs dépens. Leurs répliques et remarques détonnent dans ce monde judiciaire très cadré et prennent à contre-pied les victimes. Ils se moquent des procédures du Code Pénal pour faire à leur sauce mais cela ne fonctionne jamais.

Chaque page est une succession de strips en trois cases qui forment un gag complet. Les bêtises de Flic & Fun sont mises en image par Pluttark (Rudy Spiessert) d’une manière redoutable. Les cases du dessinateur de Naguère les étoiles font la part belle aux trognes de Roland et son complice.

Flic & Fun : C’est décalé, c’est bête mais c’est rigolo !

  • Flic & Fun
  • Scénariste : Jorge Bernstein
  • Dessinateur : Pluttark
  • Editeur : Fluide Glacial
  • Parution : 21 février 2018
  • Prix : 10.95€
  • ISBN : 9782352078852

Résumé de l’éditeur : Les aventures burlesques de deux jeunes recrues de la police, qui ne ratent pas une occasion de faire une bavure ou de commettre une négligence.

5 choses à ne jamais lui dire

Notre avis : 5 choses à ne jamais lui dire est un album à la fois triste, émouvant et revigorant. Un album de Canizales au top à découvrir aux éditions Warum.

Elijah est un journaliste un peu particulier. Sa rubrique, qui connait un franc succès, c’est de faire des top 5. Seulement voilà, le futur rachat du quotidien pour lequel il travaille par un grand groupe de presse britannique le place dans une situation délicate. Son prochain top doit être le meilleur qu’il n’ait jamais réalisé. Et comme si la pression n’était pas assez forte, il a en plus de ça des problèmes dans sa vie personnelle. Alors qu’ils avaient convenu avec sa femme qu’ils n’auraient pas d’enfant, celle-ci tombe enceinte. Lorsqu’il découvre le thème de son prochain top, il en tombe des nues. 5 choses à ne jamais lui dire. Elijah va avoir besoin de toute sa créativité dans un moment qui ne peut tomber plus mal pour lui…

L’album résume la torture d’Elijah personnellement et professionnellement qui va l’emmener tout au fond. Est-ce qu’il va réussir ce défi professionnel ? Va-t’il surmonter ses problèmes personnels ? Tout au long de l’album, vivez les angoisses et les remises en questions d’Elijah grâce au travail formidable de Canizales.  5 choses à ne jamais lui dire est à découvrir aux éditions Warum (éditeur de Tu sais ce qu’on raconte).

  • 5 choses à ne jamais lui dire
  • Auteur : Canizales
  • Editeur : Warum
  • Parution : 14 février 2018
  • Prix : 15€
  • ISBN : 9782365353151

Résumé de l’éditeur :
Elijah est un journaliste spécialisé dans les « top 5 » sur des sujets de sociétés, assortis de schéma. Quoi que très populaire, sa rubrique est en balance, il doit sortir un Top 5 qui marquera la rentrée. Et pour ne pas louper le succès il planche sur… les 5 choses à ne pas dire à l’autre de son couple. Par exemple : prendre une décision sans en avertir l’autre. Et quand il rentre chez lui, sa compagne lui annonce qu’elle est enceinte. Contrairement à ce qu’ils avaient convenu. Le top 5 d’Elijah prend alors un tour de plus en plus personnel…

Ryle et Louis, volume 1

Une mystérieuse lance vient assassiner les habitants de la ville de Reims. Les éditions Kana dévoilent le premier volume de Ryle & Louis, un shônen de Nana Natsunishi.

C’est la panique à Reims : une lance magique se lance à la poursuite des habitants de la ville pour les tuer. Sa lame est taillée dans un métal inconnu et personne n’arrive à la faire dévier de sa trajectoire lorsqu’elle a choisi sa cible. Il faut souligner qu’elle possède un œil pour suivre les hommes ciblés.

Le mercenaire tête brûlée Ryle arrive dans la cité pour affronter cette mystérieuse lance et s’en débarrasser. Lors d’un combat avec elle, les autres habitants découvrent que les blessures causées par la lame se résorbent comme par magie. Plus étonnant, il sait qu’elle est un être humain : Louis, le prince héritier du royaume….

Prépublié au Japon depuis 2016 dans la revue Gekkan G-Fantasy des éditions Square Enix, Ryle & Louis est un bon shônen avec tous les ingrédients dignes de ce genre : quête initiatique, combats et magie. Ajouter à cela, deux personnages Ryle et Louis opposés mais complémentaires : le premier est très (trop ?) sûr de lui, beau gosse et tête à claques, tandis que le second est plus frêle, plus réfléchi.

Nana Natsunishi imagine une toile de fond dans la ville de Reims au Moyen-Age. Ce côté médiéval fonctionne plutôt bien. La série courte en trois tomes devraient plaire aux amateurs de shônen tant il est bien mené. Le dessin du mangaka est simple mais très efficace.

  • Ryle & Louis, volume 1/3
  • Auteur : Nina Natsunishi
  • Editeur : Kana, collection Dark Kana
  • Parution : 05 janvier 2018
  • Prix : 7.45€
  • ISBN : 9782505069898

Résumé de l’éditeur : Reims, capitale d’un royaume florissant à l’époque médiévale… Un gigantesque monstre apparaît dans la salle du trône et disperse des « yeux volants ». Ces yeux se plantent dans le corps des humains présents et les transforment tous… en armes ! Les personnes « contaminées » perdent leur personnalité, leurs souvenirs et deviennent des objets assoiffés de sang qui attaquent ceux qui les approchent. La plus redoutée d’entre ces armes est une lance, décimant sans discernement la population de la ville. Ryle, mercenaire engagé comme garde du palais découvre que c’est justement son maître, le Prince Louis, qui incarne la fameuse lance meurtrière. Ryle doit le sauver ! Mais Ryle a, lui aussi, été « contaminé » par un oeil. Il est capable de se transformer en épée. Ensemble, ils devront tenter de se défaire de l’emprise de cet oeil maléfique, trouver des alliés, lutter contre les autres armes, et découvrir qui est à l’origine de cette attaque…!

La mère et la mort / Le départ

Les éditions Le Tripode dévoilent La mère et la mort / Le départ, un étonnant et somptueux album double qui met en parallèle deux histoires qui se répondent : l’une est signée Alberto Laiseca et l’autre Alberto Chimal, toutes deux illustrées par Nicolas Arispe.

  • La mère et la mort. Une maman et son fils vivaient dans une maison dans la forêt au bord du Rhin. Un jour, la Mort vint chercher le bébé pour l’emporter avec elle. Ne voulant pas laisser son petit, la mère se mit en route pour le retrouver. Pour passer les obstacles sur son chemin, elle dut sacrifier des parties de son corps (ses yeux, son bras ou ses jambes)…
  • Le départ. Lors d’un tremblement de terre à Appa, une maman vit son fils mourir. Dans son grand désarroi, elle pria pour qu’on le lui rende. Les dieux se laissèrent attendrir par cette mère éplorée. Ils lui redonnèrent son corps mais son âme resta près d’eux. Elle s’occupa de lui comme s’il était encore vivant…

Soulignons-le avec force : les éditions Le Tripode développent une ligne éditoriale de grande valeur. Après Le livre de Nicolas Arispe, Les jumblies de Edward Lear et Edward Gorey et Hugo Pratt : Voyages avec Rimbaud, Kipling, Baffo, elles publient ce double album La mère et la mort / Le départ : somptueux. Somptueux par les histoires contées et somptueux par les illustrations de Nicolas Arispe.

L’auteur argentin a choisi deux textes de ses compatriotes Alberto Laiseca et Alberto Chimal et les met magnifiquement en image. Son trait en noir et blanc très détaillé convient idéalement pour restituer l’ambiance morbide des histoires. Pour cela, il s’est inspiré des plus grands : Otto Dix, Caspar Friedrich, Jérôme Bosch, Pieter Brueghel ou Chirico mais aussi par les rites africains, l’art gothique ou les portraits post-mortem.

Né en 1978, Nicolas Arispe a suivi la formation de l’Institut Universitaire National des Arts. Alors qu’il dessine cet double album, il confie : « Je pense que le seul moyen de calmer l’angoisse de la mort est de mettre des mots dessus, des images, d’en faire de la musique, du cinéma. Nous ne pouvons pas vaincre la mort, ni nous en défaire, mais nous avons l’art pour la questionner, la penser, pour rire d’elle et de notre peur ou pour nous connaître dans cette frayeur ».

La mère et la mort de Alberto Laiseca (1941-2016) met en scène l’abnégation d’une mère prête à tout pour retrouver son enfant. Cette notion de sacrifice est très présente dans les légendes et les contes du monde entier. Tandis que Le départ de Alberto Chimal (né en 1970) met en scène le travail de deuil d’une mère après le décès de son enfant. Dans les deux histoires, finalement très proches, l’amour filial est au cœur de ces drames humains.

  • La mère et la mort / Le départ
  • Auteur : Nicolas Arispe
  • Textes : Alberto Laiseca et Alberto Chimal
  • Editeur : Le Tripode
  • Parution : 1er février 2018
  • Prix : 23€
  • ISBN : 9782370551481

Résumé de l’éditeur : Dans ce double album, deux des conteurs les plus reconnus d’Amérique latine, Alberto Laiseca et Alberto Chimal, se saisissent avec délicatesse du thème du sacrifice qu’une mère est prête à faire pour s’opposer à un événement tragique et irréversible : la mort d’un enfant. En illustrant et réunissant les deux histoires par un effet de miroir exceptionnel au coeur de l’ouvrage, l’artiste argentin Nicolás Arispe offre une lecture qui va au-delà des mots. Ses illustrations en noir et blanc, symboliques et terribles, sont à la croisée d’Edward Gorey et de José Guadalupe Posada, du baroque et du paganisme, de la Première Guerre mondiale et des danses macabres médiévales. Dans La Mère et la Mort, l’Argentin Alberto Laiseca s’inspire d’un conte de Hans Andersen et nous raconte l’abnégation d’une mère prête à traverser les paysages les plus hostiles et à sacrifier sa chair pour retrouver son petit. Dans Le Départ, le Mexicain Alberto Chimal dépeint le long et douloureux deuil d’une mère qui perd son enfant lors d’un tremblement de terre. Les deux récits, à mi-chemin entre la tragédie classique et la tradition orale, nous confrontent à nos peurs les plus profondes et à la question du deuil le plus douloureux qui soit, qui s’exorcise ici par la littérature et l’art.

La vida, la bohème de Picasso et Casagemas

La vida, la bohème de Picasso et Casagemas suit les pérégrinations de Pablo et Carles de Badalone à Paris. Cette belle biographie est signée Tyto Alba.

Badalone, 1900. Pablo Picasso et Carles Casagemas sont de vrais amis, inséparables dans la vie comme dans leur métier : la peinture. Mais la vie dans la cité catalane est mièvre, peu exaltante et peu inspirante. Leur petite lumière c’est l’Exposition Universelle à Paris où Picasso tente de « vendre » une de ses toiles.

Après une petite attende, le tableau est accepté et les deux amis partent pour la capitale française. Cette respiration leur permet de reprendre des couleurs et de commencer une vie de bohème à Paris…

Inspiré par la vraie vie de Picasso et Casagemas, La vida est une vraie parenthèse enchantée dans la vie du grand peintre espagnol. Amis depuis l’enfance, les deux artistes ne connaîtront pas la reconnaissance en même temps. La faute au suicide de Carles en 1901 (il est né en 1880) qui plongera le peintre de Guernica dans une grande dépression. Les trois années qui suivirent l’événement (la fameuse Période Bleue), il peindra des tableaux extrêmement sombres.

Dans ce très bel album de Tyto Alba montre combien l’amitié est forte entre Carles et Pablo, une relation fusionnelle quasi amoureuse, même si les deux hommes aimaient les femmes. Les deux avaient de personnalités opposées (Pablo lumineux et extraverti, Carles introverti et parfois déprimé) leurs œuvres étaient très belles.

Pour accompagner ce drame, l’auteur de Tante Wussi utilise une palette de couleurs formidables. Ses aquarelles froides s’articulent avec aisance sur un dessin d’un simple trait. Un très très bel album !

  • La vida, la bohème de Picasso et Casagemas
  • Auteur : Tyto Alba
  • Editeur : Vertige Graphic
  • Parution : 23 novembre 2017
  • Prix : 18€
  • ISBN : 9782849991244

Résumé de l’éditeur : C’est l’histoire de l’amitié entre Pablo Ruiz Picasso et Carles Casagemas, que raconte le dernier roman graphique de Tyto Alba. Compagnons inséparables dans la création comme dans la joyeuse vie d’étudiants en ce début de siècle en Catalogne, ils se soutiennent, se copient, se motivent et se critiquent l’un l’autre. Carles est taciturne, Pablo enthousiaste. De leurs faiblesses communes ils font une force qui les portera jusqu’à la ville lumière ou se déroule l’Exposition Universelle de 1900. Ensemble ils explorent la vie de bohême parisienne : les tableaux vendus dans l’après-midi dont l’argent est vite flambé en festivités le soir même, les femmes libres qui s’offrent sans façons, le vertige des jours et nuits qui filent, se fondent et se confondent en une joyeuse fête sans principes.

Les enfants du bayou, tome 1 : Le rougarou

Joshua et Blaise emménagent dans une cabane du Bayou. Ils découvrent la vie près de l’eau grâce à la petite voisine Liloye. Isabelle Bottier et Eva Roussel dévoilent le premier volume de Les enfants du bayou, une très jolie série Jeunesse chez Jungle.

Liloye est heureuse ! Des voisins viennent emménager dans la cabane à côté de la sienne après qu’un ouragan a emporté leur maison. Il faut dire que l’endroit où elle habite – le bayou – n’accueille pas tous les jours des nouveaux. La petite fille vit avec Ovila, sa mère adoptive et Gaby son amie alligator. De leur côté, les voisins sont un père et son fils, Joshua et Blaise.

Le petit garçon n’est pas très à l’aise avec son nouvel environnement : il a peur ! Liloye tente de le faire changer d’avis en lui faisant découvrir les alentours mais la nuit, le Rougarou hurle à la mort…

Jolie entrée en matière pour Les enfants du bayou ! Le récit de Isabelle Bottier possède un charme fou qui fonctionnera sur les plus jeunes. Le bayou est un vrai personnage avec ses habitants, ses légendes, son vaudou, sa faune et sa flore. Elle y apporte de 4 protagonistes sympathiques et attachants : Liloye la petite fille dynamique, Blaise le garçon timide, Ovila la « tante » qui tente de charmer Joshua le père célibataire. Leurs relations sont agréables et chaleureuses. L’histoire flirte aussi avec le fantastique parce qu’elle imagine un Rougarou, un enfant sauvage.

De plus, l’autrice ayant travaillé sur la série télévisée Un gars/une fille glisse un humour très bien senti et adapté aux plus petits qui donne beaucoup de vie à ce premier tome.

Pour accompagner la scénariste, la partie graphique est signée Eva Roussel. Son trait tout en rondeur à la palette numérique est simple mais très efficace.

Le premier opus de Les enfants du bayou : une belle histoire d’amitié et de tolérance teintée d’un bel humour !

  • Les enfants du bayou, tome 1 : Le rougarou
  • Scénariste : Isabelle Bottier
  • Dessinatrice : Eva Roussel
  • Editeur : Jungle
  • Parution : 7 février 2018
  • Prix : 9.95€
  • ISBN : 9782822221702

Résumé de l’éditeur : Après avoir perdu leur maison dans un ouragan, Joshua et son fils Blaise commencent une nouvelle vie dans le bayou. Une aubaine pour leur petite voisine, Liloye, ravie à l’idée de faire de nouveaux amis. Alors que Joshua et Blaise s’habituent tant bien que mal à la drôle de vie du bayou, une étrange créature rôde la nuit. Un loup-garou ? Non, un « rougarou » ! Liloye leur révèle qu’il s’agit de Jimmy, un garçon enfuit de chez lui et qui a fini par devenir un vrai sauvage. Touchés par son histoire, Blaise et Liloye vont tout faire pour ramener Jimmy parmi les siens.

Royal City, volume 1

Peter Pike – le père – est foudroyé par une crise cardiaque. Cette événement tragique est l’occasion pour tous les membres de la famille de se retrouver. Pourtant tout ne se passe pas comme prévu, la mère et les enfants sont de plus en plus éloignés les uns des autres et un fantôme va venir les hanter. Jeff Lemire dévoile le premier volume de Royal City. Encore un excellent titre de l’auteur américain !!!

Peter Pike – le patriarche de la famille – coule des jours agréables à Royal City. Même si avec Patti, sa femme, tout n’est pas tout rose, il aime sa vie dans cette petite ville industrielle. Sa passion : restaurer des vieilles TSF au fond de son jardin. Un soir alors qu’il bricole, il est foudroyé par une crise cardiaque.

Ce événement fait revenir les enfants au chevet de leur père. Il y a Patrick, un romancier qui a connu le succès mais qui tarde beaucoup à envoyer son troisième manuscrit à son éditeur, mais aussi Tara qui est en charge du projet de rénovation de la ville (raser la vieille usine qui a permis à des milliers de personnes de travailler), ainsi que Richard qui travaille dans cette usine mais qui multiplie les dettes auprès de personnes peu recommandables et qui a sombré dans l’alcool. Ajouter à cela, la mère qui se réfugie dans la religion et Tommy, le cadet de la famille décédé par noyade en 1993 et qui vient hanter la vie de chacun et l’on obtient une famille qui s’éloigne et qui ne se parle plus.

Plus proche de Winter road (Futuropolis) par ses thématiques intimistes que par Plutona, Descender, Black Hammer ou Sweet tooth plus fantastiques, Royal City est de nouveau une formidable série de Jeff Lemire. L’auteur américain met en scène les délicates relations d’une famille plus du tout unie même dans la douleur ! Les non-dits et les secrets sont au cœur de ce premier excellent volume. Comme dans de nombreuses familles sur Terre, ces dissensions déchirent encore plus ce qui reste d’unité. Plus personne ne parle à personne et la mère, trop bigote, n’arrive pas à apaiser les tensions.

Chacun des protagonistes est à la dérive ou sent que cela arrive : Pat n’a plus l’inspiration qui fit de lui un grand romancier, les démons de l’alcool de Richard le font plonger dans une abîme et le couple de Tara se déchire puisque son mari syndicaliste ne veut pas du projet de la nouvelle ville. Le tout est saupoudré d’une teinte de fantastique avec le personnage de Tommy qui a des secrets avec chacun d’eux. Décédé alors qu’il était adolescent, chacun pense à lui et discute comme s’il était encore là. Sorte d’ange gardien et de confident, il sert de relais à l’histoire de Lemire.

Ajouter à cela, une dimension sociale par le combat pour la fermeture de la ville et l’on obtient une histoire des plus réalistes et justes.

Comme il le confie en postface : « Il se passera plein de trucs dingues dans cette série. Il y aura du crime et de la violence, même si ce n’est pas un polar. Il y aura des éléments fantastiques, même si ce n’est pas une série fantastique ». On lui fait confiance pour développer cette série. Jeff Lemire n’est jamais aussi bon que lorsqu’il approche de l’intime de ses personnages.

  • Royal City, volume 1 : Famille décomposée
  • Auteur : Jeff Lemire
  • Editeur : Urban Comics, collection Urban Indies
  • Parution : 19 janvier 2018
  • Prix : 10€ (prix de lancement jusqu’au 30/06/18)
  • ISBN : 9791026813934

Résumé de l’éditeur : Depuis plus de trois générations, la petite ville industrielle de Royal City voit naître, grandir, partir, vieillir et mourir les membres de la famille Pike. Patrick, romancier en perte de vitesse ; Tara, bien décidée à relancer la compétitivité de la ville ; et Richard, égaré dans le dédale d’une vie dissolue ; tous sont aujourd’hui réunis par la force des choses, et la crise cardiaque de leur père. Dans cette nouvelle épreuve se fait l’écho du drame qui bouleversa la vie de chaque membre de cette famille : la mort de Tommy, le plus jeune fils, retrouvé noyé alors qu’il n’était encore qu’un enfant, et dont le souvenir hante depuis le quotidien de ses proches.

Brûlez Moscou

Napoléon et ses troupes sont aux portes de Moscou pour prendre la ville. Rostopchine décide de libérer les prisonniers. Parmi eux, il y a Anatoli qui tente de retrouver sa femme et son fils pourchassés par Kolia, son ennemi. Kid Toussaint et Stéphane Perger dévoilent Brûlez Moscou, un étonnant thriller historique aux éditions Le Lombard.

1812. Fédor Rostoptchine, le gouverneur de la ville de Moscou, ne veut pas laisser la cité aux mains de Napoléon. Il décide de procéder à la technique dite de la « terre brûlée » : incendies volontaires, cache des citernes pour proscrire les flammes et libération des prisonniers des geôles de l’Ostrog.

Parmi ces hommes enfermés, il y a Anatoli Vassili, ancien capitaine de l’armée russe qui a tiré sur un soldat. Libéré, il veut coûte qui coûte retrouver Tatiana, sa femme et Oleg, son fils, pourchassés par Kolia, son ennemi juré. Il faut souligner que le colosse veut les tuer et les manger…

Très belle course-poursuite teinté de thriller, Brûlez Moscou plaira aux amateurs d’Histoire mais aussi ceux d’aventure. Le récit de Kid Toussaint est très classique mais efficace. Très bien documentée, l’histoire du scénariste de Magic 7 et de 40 éléphants mêle le récit intime de Anatoli à la grande Histoire. Ainsi, le lecteur peut croiser des personnages historiques ayant existé : Napoléon et Rostopchine. Il imprime beaucoup de rythme à son album. On regrettera une fin trop (?) attendue malgré un récit bien mené.

Le gros point fort de Brûlez Moscou réside dans la formidable partie graphique de Stéphane Perger. Les planches du dessinateur de Odyssée sous contrôle (avec Dobbs) sont magnifiques, notamment par sa grande maîtrise des encres et des aquarelles. Les pages rougies par les flammes dans la ville sont impressionnantes et le lecteur peut même percevoir la chaleur de l’incendie. Ses personnages sont bien campés, notamment le colosse Kolia. On lui pardonnera des erreurs dans la gestuelle concernant le maniement des armes, car l’ensemble est époustouflant.

  • Brûlez Moscou
  • Scénariste : Kid Toussaint
  • Dessinateur : Stéphane Perger
  • Editeur : Le Lombard
  • Parution : 9 février 2018
  • Prix : 14.99€
  • ISBN : 978-2803633869

Résumé de l’éditeur : Septembre 1812. La Grande Armée de Napoléon est aux portes de Moscou. Le comte Rostopchine, gouverneur de Moscou, se rend à la prison de l’Ostrog et libère des geôles tous les criminels en les priant de « voler, piller, tuer et incendier » pour que rien ne tombe aux mains de l’ennemi. Parmi les libérés, Anatoli Lenski semble avoir un but bien à lui. Et malheur à qui tentera de s’y opposer.

Super cool

Après le formidable Le meilleurissime repaire de la terre, les éditions Biscoto continuent de creuser leur sillon dans la bande dessinée Jeunesse (une nouvelle fois c’est très réussi) avec la publication de Super cool, une histoire de Tanja Esch.

Tania est heureuse : sa maman lui a acheté une veste en jean qu’elle va pouvoir porter à l’école ! Elle est fière mais c’était sans compter sur Naomi la petite peste de la cour de récré qui se moque du nouveau vêtement. Tania est frustrée et chagrinée par cela. Le lendemain, elle passe chercher Kristina sa meilleur amie pour aller à l’école en vélo. Elle lui confie que dans l’après-midi, elle va faire un truc secret…

Voilà un petit album qui a tout d’un grand ! Le récit imaginé par Tanja Esch est fort et intelligent. En mettant en scène des histoires de cour de récréation, l’autrice allemande parle aux plus jeunes de rejet, d’exclusion et de harcèlement. Si cela peut faire peur, elle contrebalance son propos par l’amitié que Kristina porte pour la jeune héroïne mais aussi par la personnalité de Tania. Si elle semble touchée par les moqueries, elle est forte et a du recul pour tout cela. Le doute est là mais il s’estompe rapidement.

Faire des choix, se démarquer et développer sa personnalité, son caractère, cela n’est jamais simple lorsque l’on est enfant. Tanja Esch aborde tout cela avec malice, bienveillance et humour. Son dessin d’une belle modernité est tout en rondeur, agrémenté de grands aplats de couleurs vives qui fonctionnent à merveille.

Super cool : être populaire ou pas, être soi et se moquer des qu’en dira-t-on. Un album pour amorcer la discussion à l’école ou à la maison.

  • Super cool
  • Autrice : Tanja Esch
  • Editeur : Biscoto
  • Parution : 9 février 2018
  • Prix : 12€
  • ISBN : 979-1092119800

Résumé de l’éditeur : Aujourd’hui Tanja a enfin reçu la veste en jean dont elle rêvait depuis si longtemps. Et c’est vrai, cette veste est super cool ? ! Dans la cour de récré elle fait sensation jusqu’à ce que Naomi décrète qu’elle n’a aucun intérêt, et que d’abord, c’est une veste de garçon. Dur dur. Il y a aussi cet imbécile de Kaï, un grand dadet qui se moque d’elle sans arrêt. Tanja a plein d’idées de réparties bien senties, mais toujours trop tard, quand c’est passé… Heureusement, Tanja peut compter sur Kristina, une amie en or toujours prête à la soutenir, et sur sa maman qui est extra et pleine d’idées géniales. A travers un dessin frais et vif, Tanja Esch aborde avec subtilité et humour les émotions que l’on peut traverser lorsque d’autres se moquent, nous critiquent et nous font douter. Une bande dessinée indispensable sur le fait d’être, ou pas, cool ?, sur l’exclusion et l’amitié.