Angoulême BD 2025 : un palmarès féministe et « Luzien »

Angoulême BD 2025 : le palmarès. Dans un climat tendu entre l’organisation du festival et les auteurices, le théâtre d’Angoulême récompensait hier soir les albums BD de l’année. Une sélection très féminine couronnant le merveilleux album Deux filles nues de Luz, dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo. Un symbole fort dans une période troublée.

Et si le festival BD d’Angoulême bougeait

Après les révélations fortes du dossier de Lucie Servin dans L’Humanité daté du 24 janvier dernier, le petit monde du 9e art bruissait et (se) débattait. Dans le papier de la journaliste, il est notamment reproché à l’organisateur 9e art+ des finances opaques, un management toxique et le non-accompagnement d’une ex-salariée après des violences sexistes et sexuelles perpétrées par un homme employé par un prestataire extérieur. Salariée par la suite licenciée.

Il faut souligner que ces dénonciations n’étaient pas toutes des indiscrétions pour les initiés, mais plus des mystères enfin dévoilés pour le grand public.

Tout au long des dix derniers jours, les organisateurs du Festival d’Angoulême, avec à sa tête Franck Bondoux – directeur général de 9eArt+ – tentait tant bien que mal d’éteindre l’incendie. Mais les collectifs d’autrices féministes, le Syndicat des éditeurs alternatifs et les artistes en général continuaient de poser des questions et de mettre la pression sur l’organisateur du plus grand événement européen de la bande dessinée.

La cité angoumoisine était alors au fait de discussions âpres, engagées mais tellement légitimes. Nos confrères journalistes laissaient la place à ces revendications et aux auteurices dans leurs médias.

C’est dans ce climat tendu que toutes les actrices et tous les acteurs du monde du 9e art attendaient la cérémonie des Fauves récompensant les albums de l’année, hier soir dans le prestigieux théâtre de la ville.

La soirée a débuté par la remise d’un Fauve d’honneur à John Romita Jr, récompensant ainsi une carrière riche dans le monde du comics.

Anouk Ricard, Carole Lobel, Alix Garin, Lynda Barry, Elizabeth Holleville : un palmarès féminin et féministe

L’inauguration, mercredi 29 janvier 2025, allait donner un grand signal à la profession. Le collège des autrices et auteurs BD couronnait Anouk Ricard, autrice d’Ana et Froga, Grand prix d’Angoulême.

La palmarès était alors égrainé sur scène. Un palmarès dévoilé par un Grand jury indépendant de 9e art+ avec à sa tête Zabou Breitman, drôle mais consciente des faits reprochés au Festival. L’organisateur s’est d’ailleurs entendu oralement avec le jury pour être plus rigoureux dans sa gestion des violences faites aux femmes dans les semaines qui arrivent.

Les Fauve se féminisent

C’est dans un théâtre rempli que les spectateurs et spectatrices découvraient ainsi un palmarès très féminin et engagé. Un symbole puissant !

Elizabeth Holleville, autrice des Contes de la mansarde (avec Iris Pouy), est repartie avec deux récompenses : Le Fauve des lycéens et le prix René-Goscinny de la meilleure jeune scénariste.

Le Fauve révélation revenait au très « fmurrrien » Ballades de Camille Potte, un album fondé sur un jeu de langage très drôle.

Lynda Barry, retenue aux États-Unis par ses cours et ses étudiants, était récompensée pour Come Over Come Over. Un récit qui met en scène deux adolescentes dont l’une d’elles connaît des violences perpétrées par un homme.

Alix Garin, révélée par le concours Jeunes Talents de Quai des Bulles, voyait son album Impénétrable couronné par le prix du public France Télévisions. Son récit autobiographique aborde le vaginisme, un problème physique féminin.

Le Fauve de la BD alternative était aussi très féministe puisqu’il a récompensé deux fanzines ex-aequo : Fanatic Female Frustration (France, collectif) et Hairspray Magazine (Allemagne, collectif).

Un palmarès autour de L’écologie et le collectif

Le Grand jury, n’ayant pas réussi à se mettre d’accord pour son Prix spécial, décida alors de récompenser deux albums : En territoire ennemi de Carole Lobel, une autrice et Les Météores, un album choral de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi.

Le Polar SNCF revenait à Revoir Comanche de Romain Renard, tandis que l’éco-fauve arrivait dans les mains de Martin Boudot et Sébastien Piquet pour Vert de rage.

Mais la fin de la cérémonie allait envelopper le théâtre dans une grande émotion avec le Fauve d’or du meilleur album couronnant Luz.

Luz : un tableau, l’Histoire et Charlie

Après le Grand prix de la critique ACBD jeudi, Luz repartait avec le Fauve d’or 2025 pour Deux filles nues. Dans le jury, derrière lui sur scène, Coco semblait émue par ce prix. D’un attentat, les rescapés ne sortent jamais indemnes. C’est le cas de Luz et Coco qui, il y a 10 ans, étaient frappés dans tout leur être par les attentats contre Charlie Hebdo. Le Fauve d’or 2025 devenant ainsi un symbole de résistance.

Enthousiaste et révolté, Luz nous livrait ses impressions, son cœur parlant à sa place. Deux Filles nues, il l’avait créé pour régler “un problème de sidération”. Poursuivant ainsi : “il m’aura fallu dix ans pour être enfin un auteur de bande dessinée.”

Deux filles nues de Luz (éditions Albin Michel)

Le cri des auteurices durant cette soirée était puissant. En attendant des avancées, le palmarès 2025 a fait du bien à tout le monde du 9e art. Et c’est une force à ne pas oublier !

Le palmarès complet :

  • Grand Prix de la ville d’Angoulême : Anouk Ricard
  • Fauve du meilleur album : Deux Filles nues, de Luz (Albin Michel)
  • Fauve spécial du Jury (ex æquo) – Les Météores : histoires de ceux qui ne font que passer, de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi (Delcourt) et En Territoire ennemi de Carole Lobel (l’Association)
  • Fauve Patrimoine – Come Over, Come Over, de Lynda Barry (éd. çà et là)
  • Fauve Révélation – Ballades, de Camille Potte (éd. Atrabile)
  • Fauve de la série – Dementia 21 (vol.2) de Shintaro Kago, éd. Huber
  • Prix jeunes talents – Lise Rémon, pour Endorphines
  • Prix Goscinny du meilleur scénariste – Serge Lehman pour les Navigateurs (Delcourt)
  • Prix Goscinny du meilleur jeune scénariste – Elizabeth Holleville pour Contes de la mansarde (l’Employé du moi),
  • Prix Konishi de la traduction de manga – Yohan Leclerc pour les Saisons d’Ohgishima, de Kan Takahama (Glénat)
  • Fauve jeunesse – Retour à Tomioka, de Michaël Crouzat, Laurent Galandon, Clara Patiño Bueno et Andrés Garrido Martin (éd. Jungle)
  • Fauve BD alternative (ex æquo) – Fanatic Female Frustration (France, collectif) et Hairspray Magazine (Allemagne, collectif)
  • Fauve du polar – Revoir Comanche, de Romain Renard (le Lombard)
  • Prix Eco-Fauve – Vert de rage – les enfants du plomb, de Martin Boudot et Sébastien Piquet (Michel Lafon)
  • Fauve des Lycéens – Contes de la mansarde, d’Elizabeth Holleville et Iris Pouy (l’Employé du moi)
  • Prix du Public France Télévision – Impénétrable d’Alix Garin (le Lombard)

 

  • Prix Scolaires :

Prix des écoles : Léonarde de Anne-Catherine Ott et Isabelle Bauthian (éditions Drakoo)
Prix des collèges : Mardival de Yann Cozic (éditions Glénat)
Prix des lycées : Bobigny 1972, de Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel (éditions Glénat)

Article posté le dimanche 02 février 2025 par Comixtrip

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